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mardi 30 décembre 2014

Paris.-L'hôtel de Saint-Paul.

Paris.- L'hôtel de Saint-Paul.

L'hôtel de Saint-Paul, dont il est si souvent parlé dans notre histoire, occupait, avec ses jardins, tout le terrain compris entre la rue Saint-Antoine et la Seine, depuis la paroisse St-Paul jusqu'aux fossés de l'Arsenal et de la Bastille. Ce fut le dauphin Charles, régent de France, qui, pendant la captivité du roi Jean en Angleterre, acheta plusieurs hôtels, maisons et jardins, et en composa un ensemble qui fut appelé Hôtel de Saint-Paul, du nom de l'église voisine. Le prix de ces diverses acquisitions fut acquitté par les Parisiens, sur lesquels ce prince établit une taille particulière. En 1365, Charles, devenu roi, déclara cet hôtel réuni au domaine de la couronne, et le désigna, dans son édit, sous le titre d'hôtel solennel des grands esbattemens. Bientôt après, il l’agrandit des hôtels de Sens, de Saint-Maur et du Puteymuce.
Le roi logeait dans la partie des bâtimens qui avait été précédemment l'hôtel de l'archevêque de Sens: son appartement était composé d'une ou deux chambres, d'une garde-robe, d'une chambre de parade, d'une autre chambre appelée la chambre où gît le roi, et de la chambre des nappes. Il y avait aussi une chapelle, haute et basse, une ou deux galeries, la grand'chambre du retrait, la chambre de l'estude, la chambres des estuves et plusieurs pièces nommées chauffe-doux, à cause des poêles, qui, pendant l'hiver, y entretenaient une douce chaleur. Les dépendances se composaient d'un jardin, d'un parc, d'une volière, d'un colombier et d'une ménagerie où étaient enfermés des sangliers et des lions.
L'ancien hôtel de Saint-Maur, qu'on appelait aussi hôtel de la Conciergerie, était habité par le dauphin Charles et par Louis, duc d'Orléans. Les appartemens y étaient aussi nombreux que dans l'hôtel de Sens, où logeait le roi. On y remarquai une pièce nommée le retrait où dit ses heures Monsieur Louis de France. La salle de Maithebrune s'appelait ainsi parce qu'on y avait peint sur les murailles les aventures de cette héroïne; de même, les peintures de la salle de Théséus représentait les exploits du héros grec. Deux chambres seules étaient lambrissées: l'une d'elle était connue sous le nom de chambre verte.
Chaque hôtel avait sa chapelle. Charles V entendait la messe de préférence dans celle de l'hôtel du Puteymuce, où les cérémonies du culte étaient accompagnées par le son des orgues.
L'hôtel de Saint-Paul comme toutes les maisons royales de ce temps-là, était défendu par de grosses tours: on y trouvait que ces tours donnaient aux bâtimens un air de domination et de grandeur.
Quant aux jardins, ils n'étaient pas comme ceux de nos jours, percées de belles allées, ni plantés d'arbres majestueux: on y voyait des vignes, des pommiers, des poiriers et autres arbres à fruit, au milieu desquels croissaient la lavande, le romarin, les pois et les fèves.
Nous joindrons à cette description quelques détails sur l'intérieur des appartemens: ils feront connaître à nos lecteurs les usage et l'état des arts et du luxe au XIVe siècle.
Les poutres et les solives des principaux appartemens étaient enrichies de fleurs-de-lys d'étain doré. Il y avait des barreaux de fer à toutes les fenêtres avec un treillage de fil d'archal, pour empêcher les pigeons de venir faire leurs ordures dans les chambres. Les vitres, peintes de différentes couleur et chargées d'armoiries, de devises,  d'images de saints, ressemblaient assez aux vitraux de nos anciennes églises. Les sièges étaient des escabelles, des formes et des bancs: le roi avait des chaises à bras, garnies de cuir rouge avec des franges de soie. Quatre paires de chenets en fer ouvré, fabriqués, en 1367, suivant la dernière mode, ornaient des cheminées d'une grandeur vraiment extraordinaire: la paire la plus légère pesait quarante-deux livres, et la plus lourde cent quatre-vingt-dix-huit livres. Les lits étaient nommés couches, quand ils avaient dix ou douze pieds de long sur autant de large, et couchettes, quand ils n'avaient que six pieds de long  et six de large: du reste, il était nécessaire que les lits fussent aussi grands, car à cette époque il était d'usage en France de retenir à coucher avec soi ceux qu'on affectionnait.
Le dîner avait lieu, sous Charles V, à onze heures, le souper à sept, et toute la cour était ordinairement couchée à neuf heures en hiver et à dix en été. La reine, durant le repas, dit Christine de Pisan, par ancienne et raisonnable coutume, pour obvier à vagues paroles et pensées, avait un prud'homme au bout de la table, qui sans cesse disait gestes et mœurs d'aucun bon trépassé.
L'usage d'armorier les habits s'introduit sous ce règne: les femmes portaient sur leur robe, à droite l'écu de leur mari, et à gauche le leur: cette mode dura près de cent ans.
Charles V ne résidait pas seulement à l'hôtel de Saint-Paul: il logeait alternativement dans plusieurs autres palais, tels que le palais de la Cité, le Louvre, le château de Vincennes, et le château de Beauté où il mourut.
Lorsque l'empereur vint à Paris, en 1373, Charles V le reçut et le fêta au palais de la Cité, puis au Louvre: la reine lui donna à dîner à l'hôtel de Saint-Paul, et de là il se rendit au château de Vincennes, d'où il partit pour l'Allemagne.
Les successeurs de Charles V allèrent habiter l'hôtel des Tournelles, et abandonnèrent celui de Saint-Paul, dont une partie fut vendue par François 1er à Jacques de Genouillac, dit Galliot, grand-maître de l'artillerie. Le reste fut vendu, en 1551, à différens particuliers, qui commencèrent à bâtir et à percer les rues, que nous voyons aujourd'hui sur ce vaste emplacement. Quelques une de ces rues ont pris les noms que portaient les anciens établissemens de cet hôtel royal. La rue Beautreillis, celle de la Cerisaie occupaient la partie des jardins plantée de cerisiers et de treilles; la rue des lions désigne l'ancienne ménagerie; enfin, à la place de l'hôtel du Puteymuce, se trouve la rue que, par corruption, on a nommée rue du Petit-Musc.

Magasin universel, décembre 1834.

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