Guernesey.
A quelques lieues de la côte de Normandie, se trouvent plusieurs îles possédées depuis longues années par les Anglais, et parmi lesquelles Jersey et Guernesey occupent le premier rang. Nous avons déjà donné quelques détails à nos lecteurs sur la première et son antique château. Aujourd'hui, nous appellerons leur attention sur la seconde, que les rois de France ont plusieurs fois tenté, mais en vain, de ravir aux Anglais.
Guernesey appartient, depuis la conquête, à la couronne d'Angleterre; mais le roi n'y exerce son autorité que comme ancien duc de Normandie; aussi le pouvoir législatif réside-t-il dans le roi et son conseil, et non dans le parlement. Les autorités judiciaires et exécutives, réunies, sont désignées sous le nom d'assemblées des états; elles consistent en un bailli, douze jurats, un procureur-général de la cour royale, huit recteurs de paroisse, deux constables et cent trente-deux douzainiers. Le vote des impôts appartient à ce qu'on appelle les états de délibération; cependant, pour opérer les levées ordonnées par ce corps, il faut en appeler au roi, excepté dans les cas urgens. Le code qui est en vigueur à Guernesey est très imparfait, et paraît une compilation mal entretenue des anciennes lois normandes ou bien de l'ancienne aristocratie féodale. Le roi nomme le gouverneur militaire de l'île.
Les habitans de Guernesey ont beaucoup plus de ressemblance avec les Français qu'avec les Anglais; leur costume, leur manière de vivre, leurs meubles et leurs instrumens d'agriculture sont à la française; cependant, dans la haute classe, tous ces objets subissent des changemens par le commerce fréquent avec les Anglais. Toute la population parle le français-normand un peu corrompu; la classe élevée parle seule l'anglais et le français d'aujourd'hui correctement.
Une médiocrité qui approche de la pauvreté est le partage de presque tous les habitans. Les fermes sont général petites, et les maisons des paysans assez misérables; chaque chaumière possède, dans un coin de la chambre de réunion, ce qu'on appelle un lit vert; c'est un endroit élevé d'environ dix-huit pouces, et couvert de feuilles sèches, sur lequel la famille reste souvent sans rien dire.
Le commerce de Guernesey est peu important; beaucoup d'habitans se livraient activement à la contrebande avant les actes rigoureux qui parurent en 1805 et en 1807 pour la réprimer; cette contrebande est, au reste, bien loin d'être aujourd'hui détruite. Les navires de Guernesey sont employés soit au commerce des colonies espagnoles et portugaises et a celui de diverses parties du continent, soit à la pêche au banc de Terre-Neuve. Les productions de l'île suffisant à peine à la consommation de ses habitans, permettent peu d'exportation; tout au plus peut-on mentionner quelques vaches qu'on envoie en Angleterre, ou des blocs de granit bleu qui servent au pavage, comme ceux de la Normandie qu'on emploie aujourd'hui à Paris et dans quelques autres villes.
Un peu avant la chute de l'empire, Guernesey n'avait qu'une importance commerciale à peu près nulle; mais, depuis cette époque, l'étendue de ses relations commerciales et le nombre de ses habitans ont pris un grand accroissement. Les paquebots à vapeur, qui mettent régulièrement cette île en communication avec l'Angleterre, y amènent chaque jour quelque nouvel hôte qui vient y chercher une existence moins sujette aux privations que sur le sol des trois royaumes unis. Souvent ces émigrans, que conduit l'économie, passent de Guernesey dans la Normandie, dont le séjour n'est pas plus coûteux, et qui leur offre un grand nombre de résidences agréables dans des genres peu différens. Comme la majeure partie de la Normandie, Guernesey repose sur le granit. Son sol, abondamment arrosé est, dans les terrains bas, riche et fertile, surtout en pâturages. Sur les hauteurs, les moissons sont superbes, et les rochers, même les plus ardus sont couvert de verdure jusqu'à leur sommet. La boisson commune du pays est le cidre qu'on y fabrique en grande quantité.
Le climat de Guernesey est très doux et très favorable à la végétation; le myrte et le géranium y croissent en pleine terre; avec un peu de soin, l'oranger y donne des fruits en hiver, et le figuier y devient superbe. Malheureusement cette île est privée de bois. Un des végétaux les plus modeste en apparence, mais des plus utiles pour ses habitans, est le varec, plante marine dont nous extrayons la soude, base du savon, et qui leur sert tout à la fois de combustible et d'engrais.
Les chevaux sont chétifs, mal soignés, à Guernesey; mais la chair et le lait des vaches de cette île sont en grande réputation chez les Anglais. Les porcs y fourmillent et donnent un lard recherché par les marins. La pêche fournit aux habitans une nourriture abondante dans presque tous les temps; elle produit des maquereaux, des merlans, des plies, d'énormes anguilles de mer, des soles, des mulets, et une foule d'autres poissons.
Guernesey n'occupe qu'un peu plus de onze lieues carrées. Sa forme est celle d'un triangle. Les côtes sont bardées de rochers, d'écueils et d'îlots, et présentent un grand nombre de criques et de petits ports. La marée s'y élève à trente-deux pieds de hauteur, et les nombreux courants qui règnent tout à l'entour rendent la circulation fort difficile dans son voisinage.
St-Pierre est la seule ville et le chef-lieu de Guernesey. Cette île comptent dix paroisses. On y voit très peu de catholiques romains. Les calvinistes et les méthodistes y dominent. On y trouve aussi beaucoup de quakers qui s'y sont établis en 1782. Trente mille habitans environ composent sa population; dans ce nombre nous comprenons deux mille marins ou étrangers qui n'y ont pas d'établissement.
Magasin universel, mars 1835.
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