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dimanche 28 décembre 2014

De l'art de faire le vin.

De l'art de faire le vin
chez les anciens.


Les historiens et les poètes de l'antiquité parlent du vin, et cette liqueur paraît être presque anciennement connue que les autres productions végétales; mais on ne peut pas assigner l'époque précise où les hommes commencèrent à en faire avec le fruit de la vigne.
Les ouvrages des écrivains les plus anciens prouvent non seulement que le vin était connu de leurs temps, mais encore qu'on avait déjà des idées saines sur ses diverses qualités, sur ses vertus et sur ses préparations. Les poètes de l'antiquité font l'éloge de cette liqueur, et la regardent comme un présent des dieux: Homère, qui vécut 884 ans avant l'ère chrétienne, l'a qualifié de divin breuvage; il parle des différentes espèces de vins et de leurs qualités, comme en ayant souvent éprouvé les heureux effets. 
Les législateurs et les philosophes eux-même font son éloge. Le patriarche Melchisédech offrait à Dieu du pain et du vin en sacrifice. Platon, tout en blâmant l'usage immodéré que l'on en faisait de son temps (450 ans avant Jésus-Christ), le regarde comme le plus beau présent que Dieu ait fait aux hommes. Caton, né 332 ans avant Jésus-Christ; Marcus-Varron, né 16 ans plus tard; Dioscoride, Pline, Athénée, qui vécurent dans le commencement de notre ère, et beaucoup d'autres, ont écrit sur la vigne et sur les procédés employés de leur temps pour la préparation des différens vins.
Il paraît que les Egyptiens donnèrent les premières notions sur la culture de la vigne et la préparation du vin aux peuples de la Grèce, qui portèrent cet art à un très haut degré de perfection. Les Italiens l'apprirent des grecs, et leur sol étant très favorable à la vigne, cet arbuste devint en peu de temps un objet important de la culture de toute l'Italie.
Les anciens préparaient leurs vins de différentes manières: les uns étaient légers et délicats; d'autres étaient plus ou moins colorés, corsés et spiritueux. Ils faisaient sécher en partie les raisins au soleil pour obtenir des vins liquoreux. Les vins faibles étaient conservés dans des celliers frais, tandis que les vins forts étaient dans des endroits chauds, et même dans des étuves, afin d'accélérer leur maturité et de les rendre plus spiritueux; ces étuves se nommaient fumaria. Celles des Romains étaient d'une construction fort simple; mais celles des Grecs étaient disposées pour recevoir de grandes quantité de vins précieux que l'on préparait avec soin, et dont on avançait la maturité à l'aide d'une température maintenue toujours au même degré. Ignorant l'art d'extraire l'alcool du vin par la distillation, ils ne pouvaient pas employer cette liqueur pour augmenter la force de leurs vins: mais ils y ajoutaient, pour remplir ce but, beaucoup d'autres substances. On répandait sur le moût de la poix ou de la résine en poudre pendant la fermentation, et quand elle était terminée, on y faisait infuser des fleurs de vignes, des feuilles de pin ou de cyprès, des baies de myrte broyées, des copeaux de bois de cèdre, des amandes amères, du miel et beaucoup d'autres ingrédiens; mais le procédé le plus ordinaire paraît avoir été de mêler ces substances dans une partie de moût, de faire bouillir le tout jusqu'à épaisse consistance, et de le verser ensuite à diverses proportions sur les vins. Pour empêcher la dégénération de cette liqueur, on employait les coquilles pulvérisées, le sel grillé, les cendres de sarment, les noix de galle ou les cônes de cèdre rôtis, les glands et les noyaux d'olives brûlés, et diverses autres substances. Quelquefois, on plongeait dans la liqueur des torches allumées ou des fers rougis. Il est incertain que les anciens aient connus le soufrage. Cependant Pline, qui vécut dans le premier siècle de notre ère, parle du soufre comme étant employé pour clarifier les vins; mais il ne dit pas si on l'employait en solide ou en vapeur. L'emploi des blancs d’œufs paraît avoir fréquemment eu lieu pour cette opération.
Galien, né à Pergame, en Mysie, vers l'an 131 de l'ère chrétienne, parle des vins d'Asie, qui, mis dans de grandes bouteilles que l'on suspendait dans les cheminées, acquéraient par évaporation la dureté du sel. Aristote, né 384 ans avant Jésus-Christ, dit que les vins d'Arcadie se desséchaient dans les outres, dont on les tirait par morceaux; qu'il fallait les délayer avec de l'eau chaude, et les passer ensuite dans un linge pour en séparer les impuretés. Cette filtration était susceptible d'altérer leur goût et leur saveur, les personnes soigneuses les laisser reposer, exposés à l'air pendant la nuit. Baccius dit que par ce dernier procédé, ils acquéraient la couleur, la transparence et la richesse de nos meilleurs vins de Malvoisie; ils pouvaient être limpides et d'un fort bon goût; mais la dessiccation du moût s'opposait à la formation de l'alcool, et la liqueur délayée, étant exposée à l'air, devait perdre le peu de spiritueux qu'elle devait contenir.
Comme les vins ainsi délayés étaient souvent bus chauds, l'eau chaude était un article indispensable dans les festins. Les Romains avaient des lieux publics nommés thermopolia, dans lesquels on en trouvait toujours, et où l'on allait boire les liqueurs préparées, chaudes ou froides, comme dans nos cafés. L'appareil dans lequel on faisait chauffer l'eau, tel que l'ont décrit Vitruve et Sénèque, qui vivaient dans les premiers temps de l'ère chrétienne, se composait de trois vases placés au-dessus les uns des autres, et communiquant entre eux par des tuyaux: celui du bas fournissait l'eau bouillante; celui du milieu de l'eau tiède, et celui du haut de l'eau froide; ils se remplissaient l'un par l'autre.
Les anciens avaient aussi l'habitude de rafraîchir leurs breuvages avec de la glace; ils conservaient la neige dans des glaciers. Quand Alexandre assiégea Petra, il fit creuser des trous profonds qui furent remplis de neige et recouverts avec des branches de chêne. Plutarque, vers l'an 66 de Jésus-Christ, indique le même procédé; seulement il propose la paille et de grosses toiles pour couvrir le trou. Les Romains adoptèrent cette méthode pour conserver la neige qu'ils faisaient venir des montagnes, et qui, du temps de Sénèque, donnait lieu à un commerce assez considérable. Galien et Pline décrivent le procédé qui est encore employé entre les tropiques pour rafraîchir l'eau en la faisant évaporer, pendant la nuit, dans des vases poreux.
Les plus grands vases employés dans les premiers temps pour contenir le vin, étaient des peaux d'animaux rendues imperméables avec de l'huile, de la graisse ou des gommes-résines. Quand Ulysse alla dans la caverne des Cyclopes, il avait une peau de chèvre pleine de vin que lui avait donné Maron, prêtre d'Apollon. Athénée nous apprend que dans la célèbre fête processionale de Ptolémée-Philadelphe, qui régnait 52 ans avant Jésus-Christ, un char de 35 coudées (environ cinquante-deux pieds) de longueur, sur 14 (21 pieds) de largeur, portait une outre faite avec des peaux de panthères, contenant 3.000 amphores ou 76.980 litres de vin. Ces vases, que l'on emploie encore aujourd'hui dans toute la Grèce, dans quelque parties de l'Italie, en Espagne, dans la Grucinie et dans plusieurs autres vignobles de la Russie méridionale, servaient pour transporter les vins, et pour conserver  ceux destinés à être bus promptement; mais dès le temps d'Homère, les meilleurs vins étaient mis dans des tonneaux, où ils restaient jusqu'à ce qu'ils eussent acquis leur maturité. On les mettait alors dans des vases de terre enduit intérieurement avec de la cire et extérieurement avec de la poix. On employait aussi pour l'enduit intérieur des compositions grasses, mêlées de substances aromatiques.
Les Grecs, quoique très policés, étaient généralement accusés d'aimer beaucoup le vin et d'en boire avec excès; ils permettaient à leurs femmes d'en faire usage en particulier, mais ils ne les admettaient jamais dans leurs festins. Les dames romaines, au contraire, étaient admises dans les repas les plus somptueux; mais le vin leur était interdit, quoique les hommes en fissent une ample consommation en leur présence.

Magasin universel, novembre 1834.

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