Variétés historiques.
Chacun sait que la danse était en grande faveur chez les Grecs et les Romains. Négligée dans les siècles barbares, ainsi que les autres arts, elle reparut avec eux en Italie, dans le XVe siècle, à la magnifique fête du mariage de Galéas, duc de Milan, et d'Isabelle d'Aragon. C'est l'époque de la naissance des ballets. On en vit de magnifiques à Paris, aux beaux jours du règne des Valois. Il en est peu que l'on puisse comparer à celui que fit représenter Henri IV à l'occasion de la naissance de son fils. La cérémonie eut lieu dans la grande cour du Louvre: les quatre élémens étaient représentés par quatre belles troupes de cavaliers, "suivis de pages et de Moresques richement vêtus et accoutrés, lesquelles firent mille gentillesses et évolutions, même sur deux éléphans qui cheminaient devant, et ce fut chose bien récréative et merveilleuse à voir."
L'histoire des bals en France remonte haut, et fournit des anecdotes curieuses. Les rois mérovingiens donnaient des bals à leurs sujets. Les premiers ballets se confondirent avec les bals, puisque les uns n'étaient, à vrai dire, que des intermèdes placés au milieu des autres. Lorsque en 1313, Philippe-le-Bel reçut chevaliers les enfants de France, on vit des bourgeois et manans de Paris danser fort agilement différens ballets dans la cour du palais, au pré aux Clercs et dans l'île Notre-Dame. Le ballet des Sauvages, qui pensa coûter la vie au roi Charles VI, se dansait au milieu d'un bal: le jeune prince, le comte de Joigny, Aimard de Poitiers et Hugues de Guissay, étaient vêtus de longues robes de toile, sur lesquelles on avait placé des mèches d'étoupe goudronnées, pour imiter, autant que faire se pourrait, l'accoutrement des sauvages; ils étaient de plus enchaînés tous quatre l'un à l'autre. Ainsi parés, ils se dirigèrent au bal dans l'hôtel de la reine Blanche, faubourg Saint-Marceau.
Comme ils arrivaient, le duc d'Orléans approcha un flambeau de l'un des sauvages pour l'examiner bien attentivement; mais à l'instant, le feu prit à l'étoupe, et se communiqua rapidement aux autres masques, qui ne purent se séparer à cause des fortes chaînes dont ils s'étaient enlacés. La duchesse du Berry eut la présence d'esprit d'envelopper le roi avec la queue de sa robe, et d'étouffer ainsi l'incendie. Les trois gentilshommes périrent misérablement "grillés et consumés comme viande à la broche." Charles VI seul en échappa, non toutefois sain et sauf, car dès cette époque, on remarqua en lui des signes de démence, qui s'aggravèrent depuis d'une telle manière, qu'on fut obligé de nommer un conseil de régence pour diriger l'Etat, "le roi faisant mille singeries et extravagances risibles, même des contorsions si extraordinaires que chacun en était étonné."
Magasin universel, mars 1835.
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