Sur la lithotripsie et sur les symptômes qui accompagnent l'existence de la pierre dans la vessie.
La lithotripsie, ou lithotritie, comme on l'avait appelée d'abord, est une des plus importantes découvertes de la chirurgie moderne. Quelques années seulement se sont écoulées depuis qu'elle a pris place dans la science, et déjà elle a procuré la guérison de plusieurs centaines de malades: elle semble promettre, pour l'avenir, de plus grands bienfaits encore, grâce à l'émulation qui s'est établie entre les hommes qui s'en occupent, et aux progrès qu'elle fait chaque jour.
Il faut remonter de quelques siècles, dans l'histoire de la médecine, pour rencontrer le germe de l'opération qui nous occupe, et c'est parmi les connaissances qui nous ont été léguées par un peuple aujourd'hui courbé sous le poids de l'esclavage et de l'ignorance qu'il se trouve. L'auteur arabe Albucasis, Aboulcasen ou Alzaharavi, car il est désigné par ces noms divers, est le seul, parmi les anciens auteurs, qui ait paru croire à la possibilité de briser la pierre dans la vessie, et qui en est exprimé l'idée. Mais lui et ses contemporains avaient-ils fait quelques tentatives pour réaliser cette idée, possédaient-ils quelques instruments pour la mettre à exécution? C'est ce que nous laissent ignorer les ouvrages de ce temps.
L'idée de broyer les calculs de la vessie n'était donc pas nouvelle, mais les moyens de l'exécuter étaient encore à trouver. Pour y parvenir, deux tentatives furent faites, l'une en 1812 par un médecin bavarois, M. Gruithuizen, et l'autre en 1818 par un médecin anglais, M. Eldgerton; ces tentatives furent sans résultat: les instruments imaginés ne pouvaient atteindre le but.
Le premier appareil qui ait rendu la lithotripsie applicable à l'homme fut inventé et publié en 1822 par notre compatriote, M. Leroy-d'Etioles; deux ans plus tard, en 1824, cet appareil fut appliqué pour la première fois avec succès par M. Civiale; et dès lors, la méthode du broiement fut considéré comme une conquête pour l'humanité.
L'Académie des sciences ne pouvait manquer d'apprécier l'importance de cette découverte; plusieurs grands prix ont été décernés par elle aux chirurgiens qui ont le plus contribué à la créer et à la répandre: ainsi M. Leroy a été couronné, comme étant le principal inventeur de la lithotripsie; M. Civiale, comme l'ayant le premier appliqué sur l'homme; MM. Heurteloup et Jacobson, pour avoir contribué à son progrès par des perfectionnements utiles.
La lithotripsie peut se diviser en deux procédés principaux: le premier est l'usure progressive, qui s'opère au moyen de pinces qui fixent et isolent la pierre, et de forets qui la grugent ou la divisent; le second est l'écrasement. Les instruments qui les premiers ont rendu l'opération praticable appartiennent au procédé de l'usure progressive; nous en donnons la figure.
La fig. A représente l'instrument fermé. La fig. B montre les trois branches dont est formée la pince, développées et embrassant la pierre. Dans la fig. C, l'on voit une portion de la pince; au milieu de l'espace compris entre les branche est le foret qui doit agir sur la pierre; il est fermé, tandis que dans la fig. D, on aperçoit deux ailes développées, au moyen desquelles on peut à volonté gruger la pierre, d'avant en arrière, ou la faire éclater après l'avoir perforée.
Cet appareil fut presque seul mis en usage pendant les sept premières années; mais depuis deux ans, un autre système, celui de l'écrasement, a pris un grand développement et paraît devoir remplacer, dans la plupart des cas les instruments à forets.
L'écrasement de la pierre peut être opéré de trois manières: par frottement, par pression et par percussion; les idées premières de ces trois actions appartiennent à MM. Amussat, Leroy-d'Etiolle et Heurteloup.
L'instrument agissant par frottement, de M. Amussat, publié en 1822, en même temps que la pince à trois branches décrite et figurée plus haut, n'a point été mis en usage; c'est une idée abandonnée aujourd'hui.
L'écrasement par pression, au moyen d'une vis et d'un écrou qui dès 1823 avait été imaginé et mis en oeuvre par M. Leroy, fut reproduit en 1829, dans un instrument fort ingénieux inventé par M. Jacobson, de Copenhague, instrument que M. Leroy a mis en usage avec un grand succès, puisque, d'après un mémoire lu à l'académie des sciences, l'ayant appliqué sur seize malades, il en a guéri quinze sans en perdre un seul. Le brise-pierre de Jacobson dans la figure ci-dessous:
La figure inférieure représente l'instrument fermé tel qu'il doit être introduit; dans la figure supérieure, on le voit développé et formant, au moyen des articulation dont l'une de ses branches est pourvue, une anse dans laquelle s'engage la pierre. L'écrou d qui se trouve à l'extrémité externe de l'instrument, rapprochant avec force la branche articulée de la branche fixe, en opère la pulvérisation.
L'écrasement par pulvérisation a été imaginé il y a trois ans par M. Heurteloup; l'instrument au moyen du quel il l'exécute est disposé comme le compas à coulisse des cordonniers. Cet instrument est représenté par les figures ci-dessous:
Dans la figure supérieure, le brise-pierre est fermé, disposé pour l'introduction; dans la figure inférieure, il est ouvert, la pierre est fixée entre les branches; pour la briser, on engage le carré m dans un étau qui a pour but d'empêcher l'ébranlement, puis on frappe sur l'extrémité n avec un marteau, la pierre s'écrase alors pressée entre les deux branches, qui se rapprochent subitement.
Il doit paraître surprenant que l'on puisse de la sorte briser des pierres à coup de marteau dans la vessie sans produire de vives douleurs; c'est pourtant ce que font tous les jours MM. Heurteloup, Leroy-d'Etiolle, etc. Le premier de ces chirurgiens vient de publier trente-neuf exemples de guérisons obtenues avec l'instrument percuteur, un seul malade sur ce nombre a succombé. Que ces chiffres et les résultats obtenus par M. Leroy au moyen du brise-pierre à pression soient rapprochés des résultats de la pratique de M. Civiale à l'hôpital Necker, et l'on verra combien le procédé de l'écrasement l'emporte sur celui des perforations successives que ce chirurgien continue à mettre en usage. Nous avons de la peine à nous rendre compte d'une telle persistance; serait-ce qu'ayant dès l'abord blâmé les instruments que nous venons de décrire, il lui coûte de revenir sur son premier jugement? Quel qu'en soit au surplus le motif, l'Académie des sciences n'a pas partagé ses préventions; les prix qu'elle vient de décerner pour l'invention et l'application de l'écrasement par pression et par percussion prouvent qu'elle considère ce procédé comme un véritable progrès.
A cette description des instruments qui servent à l'application de la méthode nouvelle, il convient d'adresser quelques conseils aux personnes affectées de calculs.
L'opération du broiement, lorsqu'elle est faite de bonne heure, est facile, très-peu douloureuse, sans danger, et mérite à peine le nom d'opération pour le patient qui d'ordinaire peut continuer à vaquer à ses occupations. Lorsqu'au contraire, par un retard imprudent, le malade a laissé à la pierre le temps de grossir et d'enflammer la vessie, la lithotripsie devient difficile, elle n'est pas exempte de dangers, et parfois elle est impraticable. Il dépend, comme on le voit, du malade de se placer dans la première de ces conditions; les symptômes qui peuvent éveiller son attention et lui faire soupçonner la nature de sa maladie sont les suivants: les envies d'urines deviennent plus fréquentes, l'émission de l'urine et accompagnée et suivie de douleurs; parfois le jet s'arrête tout d'un coup et reprend son cours par un changement de position; l'équitation, la promenade en voiture, la marche même sur un terrain inégal causent de la douleur, et font uriner du sang. La réunion de ces symptômes rend présumable l'existence d'une pierre dans la vessie; mais l'introduction d'une sonde métallique dans cet organe peut seule en fournir la preuve; si une première recherche n'ayant rien fait découvrir, les symptômes persistaient, le malade devrait se soumettre à une seconde exploration, car il peut arriver que la pierre, surtout lorsqu'elle est petite, ne soit pas rencontrée par une sonde la première fois et vienne la heurter de prime-abord dans l'une des recherches qui suivent. La présence de la pierre étant constatée, nous avons dit de quelle importance il est pour le malade de s'en faire débarrasser sans retard; chercher à dissoudre cette concrétion par des médicaments auxquels on attribue cette puissance, c'est perdre un temps précieux en essais inutiles, car aucune substance jusqu'ici ne mérite vraiment le nom de lithotriptique. La disposition à la pierre, la gravelle même peuvent bien être combattus avec succès par l'emploi de certains médicaments, des carbonates alcalins par exemple, mais le calcul une fois formé ne peut se dissoudre: la guérison ne saurait être obtenue que par une opération chirurgicale.
F. Ratier.
Journal des connaissances utiles, Février 1834.
La lithotripsie peut se diviser en deux procédés principaux: le premier est l'usure progressive, qui s'opère au moyen de pinces qui fixent et isolent la pierre, et de forets qui la grugent ou la divisent; le second est l'écrasement. Les instruments qui les premiers ont rendu l'opération praticable appartiennent au procédé de l'usure progressive; nous en donnons la figure.
La fig. A représente l'instrument fermé. La fig. B montre les trois branches dont est formée la pince, développées et embrassant la pierre. Dans la fig. C, l'on voit une portion de la pince; au milieu de l'espace compris entre les branche est le foret qui doit agir sur la pierre; il est fermé, tandis que dans la fig. D, on aperçoit deux ailes développées, au moyen desquelles on peut à volonté gruger la pierre, d'avant en arrière, ou la faire éclater après l'avoir perforée.
Cet appareil fut presque seul mis en usage pendant les sept premières années; mais depuis deux ans, un autre système, celui de l'écrasement, a pris un grand développement et paraît devoir remplacer, dans la plupart des cas les instruments à forets.
L'écrasement de la pierre peut être opéré de trois manières: par frottement, par pression et par percussion; les idées premières de ces trois actions appartiennent à MM. Amussat, Leroy-d'Etiolle et Heurteloup.
L'instrument agissant par frottement, de M. Amussat, publié en 1822, en même temps que la pince à trois branches décrite et figurée plus haut, n'a point été mis en usage; c'est une idée abandonnée aujourd'hui.
L'écrasement par pression, au moyen d'une vis et d'un écrou qui dès 1823 avait été imaginé et mis en oeuvre par M. Leroy, fut reproduit en 1829, dans un instrument fort ingénieux inventé par M. Jacobson, de Copenhague, instrument que M. Leroy a mis en usage avec un grand succès, puisque, d'après un mémoire lu à l'académie des sciences, l'ayant appliqué sur seize malades, il en a guéri quinze sans en perdre un seul. Le brise-pierre de Jacobson dans la figure ci-dessous:
La figure inférieure représente l'instrument fermé tel qu'il doit être introduit; dans la figure supérieure, on le voit développé et formant, au moyen des articulation dont l'une de ses branches est pourvue, une anse dans laquelle s'engage la pierre. L'écrou d qui se trouve à l'extrémité externe de l'instrument, rapprochant avec force la branche articulée de la branche fixe, en opère la pulvérisation.
L'écrasement par pulvérisation a été imaginé il y a trois ans par M. Heurteloup; l'instrument au moyen du quel il l'exécute est disposé comme le compas à coulisse des cordonniers. Cet instrument est représenté par les figures ci-dessous:
Dans la figure supérieure, le brise-pierre est fermé, disposé pour l'introduction; dans la figure inférieure, il est ouvert, la pierre est fixée entre les branches; pour la briser, on engage le carré m dans un étau qui a pour but d'empêcher l'ébranlement, puis on frappe sur l'extrémité n avec un marteau, la pierre s'écrase alors pressée entre les deux branches, qui se rapprochent subitement.
Il doit paraître surprenant que l'on puisse de la sorte briser des pierres à coup de marteau dans la vessie sans produire de vives douleurs; c'est pourtant ce que font tous les jours MM. Heurteloup, Leroy-d'Etiolle, etc. Le premier de ces chirurgiens vient de publier trente-neuf exemples de guérisons obtenues avec l'instrument percuteur, un seul malade sur ce nombre a succombé. Que ces chiffres et les résultats obtenus par M. Leroy au moyen du brise-pierre à pression soient rapprochés des résultats de la pratique de M. Civiale à l'hôpital Necker, et l'on verra combien le procédé de l'écrasement l'emporte sur celui des perforations successives que ce chirurgien continue à mettre en usage. Nous avons de la peine à nous rendre compte d'une telle persistance; serait-ce qu'ayant dès l'abord blâmé les instruments que nous venons de décrire, il lui coûte de revenir sur son premier jugement? Quel qu'en soit au surplus le motif, l'Académie des sciences n'a pas partagé ses préventions; les prix qu'elle vient de décerner pour l'invention et l'application de l'écrasement par pression et par percussion prouvent qu'elle considère ce procédé comme un véritable progrès.
A cette description des instruments qui servent à l'application de la méthode nouvelle, il convient d'adresser quelques conseils aux personnes affectées de calculs.
L'opération du broiement, lorsqu'elle est faite de bonne heure, est facile, très-peu douloureuse, sans danger, et mérite à peine le nom d'opération pour le patient qui d'ordinaire peut continuer à vaquer à ses occupations. Lorsqu'au contraire, par un retard imprudent, le malade a laissé à la pierre le temps de grossir et d'enflammer la vessie, la lithotripsie devient difficile, elle n'est pas exempte de dangers, et parfois elle est impraticable. Il dépend, comme on le voit, du malade de se placer dans la première de ces conditions; les symptômes qui peuvent éveiller son attention et lui faire soupçonner la nature de sa maladie sont les suivants: les envies d'urines deviennent plus fréquentes, l'émission de l'urine et accompagnée et suivie de douleurs; parfois le jet s'arrête tout d'un coup et reprend son cours par un changement de position; l'équitation, la promenade en voiture, la marche même sur un terrain inégal causent de la douleur, et font uriner du sang. La réunion de ces symptômes rend présumable l'existence d'une pierre dans la vessie; mais l'introduction d'une sonde métallique dans cet organe peut seule en fournir la preuve; si une première recherche n'ayant rien fait découvrir, les symptômes persistaient, le malade devrait se soumettre à une seconde exploration, car il peut arriver que la pierre, surtout lorsqu'elle est petite, ne soit pas rencontrée par une sonde la première fois et vienne la heurter de prime-abord dans l'une des recherches qui suivent. La présence de la pierre étant constatée, nous avons dit de quelle importance il est pour le malade de s'en faire débarrasser sans retard; chercher à dissoudre cette concrétion par des médicaments auxquels on attribue cette puissance, c'est perdre un temps précieux en essais inutiles, car aucune substance jusqu'ici ne mérite vraiment le nom de lithotriptique. La disposition à la pierre, la gravelle même peuvent bien être combattus avec succès par l'emploi de certains médicaments, des carbonates alcalins par exemple, mais le calcul une fois formé ne peut se dissoudre: la guérison ne saurait être obtenue que par une opération chirurgicale.
F. Ratier.
Journal des connaissances utiles, Février 1834.
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