Grandes barbes et longues moustaches.

Grandes barbes et longues moustaches.

Voici les barbes et les moustaches les plus célèbres de France. Des observateurs attentifs prétendent que l'on peut connaître le caractère d'un homme par la façon dont il porte sa barbe et sa moustache. Et s'il est difficile de bien connaître le caractère et la pensée des femmes, c'est peut être parce qu'elles manquent de ces indices révélateurs: la barbe et la moustache. Il est vrai qu'elles ont les cheveux dont si souvent, hélas, nous manquons, pauvres hommes! Mais les cheveux des femmes, en France, on ne les étudie pas, on préfère les admirer, tout bonnement!

A. Briand, moustaches lourdes

Brillant Aristide moderne. Le parlement n'a pas frappé d'ostracisme son volumineux rapport comme fut frappé son homonyme grec.

Ancien directeur de la Lanterne, avocat éclairé.

Reyer, moustache fière.

Natif de Marseille, adore la bouillabaisse et déteste, par pose, le piano et les pianistes; porte la moustache en clé de fa et traite les blanches et les noires comme elles le méritent.

Prince Victor Napoléon; moustache guerrière.

Simple soldat en attendant les galons de Petit Caporal. Aiglon de 44 ans, attend sous l'orme de devenir aigle. Adore les lettres, mais préfère les lettres de rappel.

Comte Albert Vandal, moustache élégante.

Téléphone 552-44. Occupe le troisième fauteuil mais ne le remplit pas, porte l'épée comme Vatel. Un des six titrés et blasonnés de l'Académie qui font appeler la Coupole ... la Cour des comtes.

Caran d'Ache; moustache pédante.

Acide et doux comme son vrai nom (Poiré), se fait appeler d'Ache comme le perruquier des zouaves, ce qui ne veut pas dire qu'il soit rasant. Signe particulier: n'est pas décoré de la légion d'honneur.

Georges Leygues; moustache universitaire.

De Toulouse, rien de Leygues de Meaux. A fait partie de nombreux ministères. Sait tomber et répète régulièrement après une chute: "encore un Leygues à terre... universitaire" Estimé au grand Opéra.

Bouveri, moustache orientale.

Ouvrier mineur, quoique né en 1865. Chef du mouvement social en Saône-et-Loire, porte la moustache en chinois, au risque de se faire la tête d'un jaune.

Schneider Charles, Prosper, Eugène. 

Maître de forges (rien d'Ohnet), 37 ans, toutes ses dents (sait les montrer d'ailleurs), moustache de d'Artagnan. Député indépendant, ô combien!... et maire du Creusot.

Brisson, barbe sévère.

Berrichon, député de Marseille. D'une gaieté frigorifique, n'a rien de l'élégance de M. Deschanel, mais dirigea les débats à la Chambre des députés avec la fermeté de M. de Nalèche.

Mirman, barbe en carotte.

Ancien député soldat...carottier. Professa jadis les mathématiques et... les idées socialistes révolutionnaires. Aujourd'hui budgétivore: à l'instar du rat de la Fontaine, s'est retiré dans le fromage administratif.

Rodin, barbe de fleuve.

Deux taches rouges, une sur le nez, l'autre à la boutonnière: statuaire de talent, voyer Balzac. Travaille pour la forme ... et la ligne. Fait l'exportation. Modèle tout, modèlerait même l'alliance franco-anglaise.

Marcel Sembat, barbe triste.

Détient en portefeuille de nombreux papiers d'Arménie. Socialiste humanitaire, humaniste et humain. Son concurrent malheureux a souvent dit de lui: "Marcel Sembat... l’œil".

Jaluzot, barbe en éventail.

Sait parfaitement qu'il est né à Corvol-l'Orgeuilleuse (Nièvre) en 1834, au printemps. Plus rien des magasins de même nom. Fait comme le chocolat... blanchit en vieillissant.

Pelletan, barbe hirsute.

Camille, rien de la famille des Horaces mais déverse aussi ses imprécations dans les banquets; ancien ministre de la Marine, pelliculeux, ce qui le fait surnommer: Camille pèle tant.

Henry Houssaye, barbe brillante.

Fils de son père, académicien, historien, né en 1848, a fait la campagne de 1814 et 1815 sur papier glacé et doré sur tranche. N'est pas l'auteur du "quarante-et-unième fauteuil".

Baudry d'Asson, barbe en bonnet de poil.

Conservateur du musée monarchique. Premier comique des Folies-Bourbon. commandeur de l'ordre de Saint-Grégoire le Grand. Promoteur de l'expression populaire: "Oh! la barbe!..."

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 21 janvier 1906.