La tour Eiffel.
Les travaux de la tour de 300 mètres se poursuivent avec autant de précision que de régularité; actuellement, elle atteint 270 mètres de hauteur et sera terminée à la fin de ce mois. Un des caractères remarquables de la poursuite de ce grand travail, consiste dans la régularité avec laquelle les chantiers successifs s'installent.
On s'imaginait volontiers dans le public que les grandes hauteurs atteintes influeraient sur le moral des ouvriers,; il n'en a rien été: montant incessamment avec la construction elle-même les hommes n'ont éprouvé aucun des phénomènes psychologiques ou physiologiques que leur prêtait à l'avance le spectateur attaché au sol.
A 57 mètres de hauteur, quand le premier plancher a été posé, les ouvriers ont trouvé, pour ainsi dire, un nouveau sol; à 115 mètres, au deuxième étage, ils en ont trouvé un second, qui semble s'élever avec eux; quant au danger couru, il est infiniment moindre qu'on pourrait le croire: à mesure que la tour monte, un plancher, muni de garde-fous et de claies, s'élève avec elle.
Ce qui est actuellement intéressant à étudier, c'est le systèmes de grues employées pour monter les matériaux; à partir de 115 mètres, il a du subir des modifications: au lieu de quatre grues montant dans les quatre piliers, deux seulement sont devenues nécessaires; elles glissent sur un pilier central et vertical qui doit, plus tard, servir de guide aux ascenseurs.
Ces deux grues, ainsi que le représente notre gravure, sont fixées de chaque côté du pilier de manière à se faire contre-poids; mais comme le pilier n'aurait pas donné une prise suffisante aux griffes des grues, M. Eiffel a fait établir, de chaque côté, trois cadres de chacun trois mètres de haut. Dès que la grue a franchi ces neuf mètres, trois nouveaux cadres sont installés au-dessus de l'espace parcouru et le travail continu sans interruption. L'élévation progressive des grues se fait au moyen de vis de rappel et de patins qui se boulonnent sur les bandes verticales des cadres. Les châssis de la grue sont munis de vérins de sûreté qui s'opposent à tout glissement de haut en bas, au cas où les patins viendraient à lâcher prise. De plus, de grands cadres en fer horizontaux réunissent les hottes des deux grues l'une à l'autre, de telle sorte qu'en cas de rupture de boulons, aucun renversement ne puisse se produire par rotation. Enfin les jeux de cadres opposés sont réunis par des entretoises provisoires qui solidarisent l'ensemble.
Sans changer d'altitude, grâce à la liberté de leurs mouvements latéraux, les grues ainsi disposées peuvent monter tout un panneau de la tour sur une hauteur de 10 à 11 mètres. Leur relevage, à bout de course, y compris la remise en place des cadres, ne demandent que 48 heures de travail, durée relativement bien courte si l'on considère que le poids total des engins à déplacer en plusieurs manœuvres successives atteint 45.000 kilogrammes.
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Le couronnement de la tour et la campanile.
Les ascenseurs déposeront les visiteurs sur un plancher établi exactement à 273,13 m au dessus de la base de la tour, à la cote 309,03 m au dessus du niveau de la mer. C'est de là que le public pourra admirer le superbe panorama entourant le monument.
L'accès de la partie supérieure extrême est réservé à M. Eiffel qui, à 2,58 m. plus haut, s'est ménagé une installation complète; c'est là que se prépareront et que s'exécuteront toutes les belles expériences scientifiques projetées. Un balcon octogonal de 10, 90 m. sur les grandes faces, de 3,96 m. sur les petits côtés, règne autour de ce logis original, que surplombent, comme le montre notre dessin, de grandes poutres entretoisées et quatre grands arceaux en fer constituant le campanile. Un escalier tournant de 14,20 m. de hauteur s'enroule autour de l'axe du campanile, et conduit sur un nouveau plancher circulaire à balcon, situé à 290,815 m. au dessus de la base de la tour, c'est à dire à 326,715 m. au dessus du niveau de la mer; sa largeur est de 5,750 m.
A cette hauteur vertigineuse, le visiteur se trouvera au bas d'un phare électrique de 6,785 m. de hauteur et de 3 mètres de diamètre, avec feu fixe de premier ordre donnant des éclats bleus, blancs et rouges. Des projecteurs électriques, en ce moment à l'étude, enverront sur le Champ de Mars et sur Paris, des faisceaux de lumière.
Le sommet extrême de la calotte du phare est exactement à 300 mètres au dessus du sol et à 333,50 m. au dessus du niveau de la me. Il est surmonté d'un grand paratonnerre relié à toute la masse métallique et chargé de pourvoir à l'écoulement dans le sol des grandes effluves électriques de l'atmosphère.
Il nous resterait à parler maintenant de la construction des ascenseurs et des expériences faites pour vérifier la verticalité, laquelle a été reconnue absolument exacte à la hauteur de 230 mètres. Nous reviendrons prochainement sur ce sujet.
Max de Nansouty.
La petite revue, premier semestre 1889.
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