La correspondance de Flaubert.
La correspondance inédite de Flaubert, publiée par le Figaro, se lit avec curiosité et attention. La lettre à Louis Bouillet, datée de Patras 10 février 1851, est à retenir. Nous voudrions la citer ici toute entière.
En voici le commencement: " La Grèce est plus sauvage que le désert; la misère, la saleté et l'abandon la recouvrent en entier. J'ai passé trois fois par Eleusis. Au bord du golf de Corinthe, j'ai songé avec mélancolie aux créatures antiques qui ont baigné dans ces flots bleus leurs corps et leur chevelure. Le port de Phalère a la forme d'un cirque. C'est bien là qu'arrivaient les galères à proue chargées de choses merveilleuses, vases et courtisanes. La nature avait tout fait pour ces gens-là, langue, paysage, anatomie et soleil; jusqu'à la forme des montagnes qui est comme sculptée et a des lignes architecturales plus que partout ailleurs. J'ai vu l'antre de Trophonius, où descendit ce bon Apollonius de Tyrane qu'autrefois j'ai chanté. Avoir choisi Delphos pour y mettre la Pythie est un coup de génie. C'est un paysage à terreurs religieuses, vallée étroite entre deux montagnes à pic, le fond plein d'oliviers noirs, les montagnes rouges et vertes, le tout garni de précipices avec la mer au fond et un horizon de montagnes couvertes de neige... A Athènes, nous avons fait une visite à Canaris. C'est un gros petit homme trapu, le nez de côté, à cheveux blancs rares, sans crâne. Je lui ai promis de lui envoyer les pièces de Hugo que le concernent. Il ne le connaissait même pas de nom!
Ô vanité de la gloire!"
La petite revue, premier semestre 1889.
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