M. Mollard et le vase de Sèvres.
Le voyage du roi et de la reine d'Italie à Paris, en 1903, fit blanchir les cheveux de M. Mollard. L'Histoire a conservé le souvenir du désespoir qui prit le chef du protocole quand il sut le cruel embarras du roi d'Italie à l'Hôtel de Ville, forcé de répondre à un discours dont il n'avait compris goutte. Mais ce sont les coulisses de l'histoire qui ont gardé pour la postérité la mémoire de la délicieuse petite anecdote qui ajouta encore aux tourments du pauvre M. Mollard durant la visite que nous rendirent tout récemment don Carlos de Portugal et la reine Amélie.
C'était le second ou le troisième soir du séjour à Paris de Leurs Majestés. Elles avaient dîné à l'Elysée et regagné sur le coup de minuit leur appartement du ministère des Affaires étrangères.
Chacun était allé bonnement se coucher, les lumières s'éteignaient, et M. Mollard, harassé mais content, arpentait un couloir qui aboutissait au perron de sortie quand, en face de lui, s'ouvrit brusquement une porte et "la señora comtesse", première dame d'honneur de la reine, parut, fort agitée. M. Mollard s'arrêta, la señora en fit autant, et ces deux importants personnages se regardèrent, ahuris.
Puis la comtesse parla et M. Mollard aussi, mais comme la comtesse n'entendait pas un mot de français et que M. Mollard ne savait pas le portugais, ils ne se comprirent que fort mal. Et plus la comtesse gesticulait et moins M. Mollard comprenait.
A la fin, impatientée, la noble dame saisit par la manche le chef estomaqué du protocole, le conduisit devant un admirable vase de Sèvres qui ornait la galerie et, là, touchant du doigt la pièce de céramique, indiquant d'un autre doigt la chambre de la reine, elle demeura muette, hiératique, rigide.
Soudain M. Mollard poussa un petit cri, un tout petit cri protocolaire, il avait compris.
Le vase.... la chambre de la reine.
Vous avez compris aussi, n'est-ce pas? Vous avez deviné que la señora comtesse réclamait, pour la chambre de la reine, le modeste, intime et indispensable attribut que l'on avait négligé d'y placer? Que faire? Où se procurer le meuble? M. Rouvier, homme simple et ministre roturier, n'en devait point posséder d'assez nobles pour être offerts à une reine!
M. Mollard eut une idée. Il écrivit, très vite. Un garde républicain, requis, monta à cheval et partit au grand galop vers l'Elysée. Mme Loubet fut très bonne, très généreuse. A la reine de Portugal, elle prêta son propre bien. Et le garde républicain le rapporta, soigneusement enveloppé et paré, attention délicate et touchante, d'une faveur aux couleurs franco-portugaises. Alors la señora comtesse se calma et M. Mollard, bénissant le ciel de l'avoir doté d'un esprit ingénieux, put enfin aller se coucher.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 28 janvier 1906.
Puis la comtesse parla et M. Mollard aussi, mais comme la comtesse n'entendait pas un mot de français et que M. Mollard ne savait pas le portugais, ils ne se comprirent que fort mal. Et plus la comtesse gesticulait et moins M. Mollard comprenait.
A la fin, impatientée, la noble dame saisit par la manche le chef estomaqué du protocole, le conduisit devant un admirable vase de Sèvres qui ornait la galerie et, là, touchant du doigt la pièce de céramique, indiquant d'un autre doigt la chambre de la reine, elle demeura muette, hiératique, rigide.
Soudain M. Mollard poussa un petit cri, un tout petit cri protocolaire, il avait compris.
Le vase.... la chambre de la reine.
Vous avez compris aussi, n'est-ce pas? Vous avez deviné que la señora comtesse réclamait, pour la chambre de la reine, le modeste, intime et indispensable attribut que l'on avait négligé d'y placer? Que faire? Où se procurer le meuble? M. Rouvier, homme simple et ministre roturier, n'en devait point posséder d'assez nobles pour être offerts à une reine!
M. Mollard eut une idée. Il écrivit, très vite. Un garde républicain, requis, monta à cheval et partit au grand galop vers l'Elysée. Mme Loubet fut très bonne, très généreuse. A la reine de Portugal, elle prêta son propre bien. Et le garde républicain le rapporta, soigneusement enveloppé et paré, attention délicate et touchante, d'une faveur aux couleurs franco-portugaises. Alors la señora comtesse se calma et M. Mollard, bénissant le ciel de l'avoir doté d'un esprit ingénieux, put enfin aller se coucher.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 28 janvier 1906.
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