Je ne crois pas qu'on le puisse en France, mais on le peut certainement en Angleterre, bien que le cas soit si rare chez nos voisins qu'il ait été digne de provoquer de la part du Daily Mail une enquête sérieuse.
Le négociant qui a été héros de cette aventure postale, interrogé par un reporter du grand journal londonien, a fait les déclarations suivantes. Il cherchait l'adresse du domicile privé d'un de ses clients, qu'il savait résider à Balham, un des quartiers de Londres les plus déserts et les plus écartés.
Il entre dans un bureau central de la poste, à Saint-Martin's-le-Grand, pour consulter le directory (Bottin de Londres). Tout en feuilletant l'énorme répertoire, il conte machinalement son cas à l'employé:
- Oui! si je ne réussis pas à voir ce client immédiatement, c'est une grosse perte pour moi.
- Mais, monsieur, remarque obligeamment un jeune homme préposé aux express parcels (colis postaux). Nous pouvons vous expédier chez votre client, si vous le désirez. Les règlements de la Poste ont prévu votre cas, bien que nous n'ayons que très rarement à appliquer cette disposition. Le tarif est de sept sous par kilomètre.
Plutôt par curiosité, M. William Templeton accepta l'offre, après avoir reçu l'assurance qu'on ne lui collerait pas dans le dos ni timbre, ni étiquette. Sur une sonnerie de l'employé, un jeune garçon habillé d'un costume élégant, accourut dans le bureau et fut informé de la mission dont on le chargeait. Sans témoigner le moindre étonnement, il s'approche du négociant, et lui tapant doucement sur l'épaule:
- Etes-vous l'express parcel pour Balham monsieur? Alors par ici, s'il vous plait.
L'expressman et son colis vivant se mirent aussitôt en route, d'un pas pressé. Le premier avait en main une feuille détachée d'un carnet à souches, et qui contenait, dans la colonne réservée à la "désignation des objets" un vague signalement du "colis postal à livrer à domicile". Un moment, M. Templeton songea à se fâcher en constatant qu'on le traitait d'objet et de colis; mais pour une fois!...
En traversant la rue du Roi-Guillaume (King William Street), le négociant rencontra son propre associé, qui avait une communication importante à lui faire. Esclave fidèle de son devoir, le jeune facteur interrompis bientôt la conversation:
- Vous êtes express parcel, monsieur! observa-t-il sévèrement.
Enfin, porteur et porté arrivèrent sans encombre chez le destinataire du colis, qui dut accuser réception en signant sur un registre, puis acquitter le montant des frais. Ces formalités accomplies, le jeune facteur se retira, laissant l'express parcel émerveillé. On le serait à moins.
Nous avons voulu vérifier l'exactitude du récit publié par le Daily Mail. Les règlements du post-Office portent effectivement cette clause:
" Une personne peut être conduite à n'importe qu'elle adresse par un express manager ( facteur de colis postaux), en payant les frais par kilomètre."
La même clause existe-elle dans les règlements de notre direction des Postes? Et peut-on se faire conduire, à titre de colis postal, du Point-du-Jour à Charenton? Voilà, certes, une question qui mérite réponse.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 29 mars 1903.
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