Au moment où les primeurs font leur apparition sur les tables de restaurants et des particuliers, il est intéressant d'étudier les différentes façons de les manger. Il est des règles de savoir-vivre que tous connaissent; mais il en existe d'autres, moins courantes, qui échappent à l'attention des personnes peu accoutumées au monde. Voici quelques usages de politesse qui vous donneront sans grande peine le renom d'homme bien élevé.
Comment on doit manger les hors-d'oeuvre.
Les olives sont mangées à la fourchette; on enlève le noyau qu'on dépose sur sa fourchette et qu'on met finalement sur son assiette.
On coupe les queues des radis avec son couteau et sa fourchette, on porte le radis à sa bouche avec la fourchette. Ajoutons qu'il n'est nullement malséant de manger le radis en le tenant avec les doigts, pour le porter à sa bouche.
Les crevettes se dépouillent avec le couteau et la fourchette. Il existe même pour les nettoyer de petites curettes en argent, mais ces instruments sont fort incommodes et fort impratiques.
Le beurre se mange comme le fromage, c'est à dire qu'on l'étend sur des petits morceaux de pains.
Comment on mange les oeufs à la coque.
Doit-on casser l'oeuf par le petit bout ou par le gros bout ? C'est l'éternelle question non encore résolue. Mais, de quelque côté que nous brisons l'oeuf, nous devons le casser avec la petite cuiller. C'est avec celle-ci qu'on le mange, on ne fait pas de mouillettes, la coquille vide est écrasée sur l'assiette. Les Américains, après avoir brisé l'oeuf peu cuit, le jettent dans un verre à bordeaux, le mélangent avec une petite cuiller et le boivent ou le mangent à la cuiller.
Deux petites recettes de famille.
Si vous êtes gourmet, ajoutez au jaune de votre oeuf une cuillerée de crème fraiche ou un peu de beurre, remuez et mangez, vous obtenez ainsi un mélange délicieux.
Au lieu de mettre du sel plus ou moins long à fondre dans l'oeuf, faites-le dissoudre dans une demi-cuiller à café d'eau et ajoutez ensuite cette eau à l'oeuf en tournant pour mélanger.
Comment on mange certains légumes.
Dans le monde, les asperges se mangent à la fourchette; on coupe avec la fourchette et le couteau la pointe verte que l'on porte ensuite à la bouche avec la fourchette.
Les artichauds ne se servent guère avec leurs feuilles dans les grands repas; s'il en était ainsi, on les mangerait bravement en saisissant avec les doigts le haut de la feuille.
On fait actuellement des pommes de terre à l'américaine. Ces pommes de terre coupées en lamelle sont frites dans de la graisse bouillante; on les mange avec les doigts.
La salade ne se coupe pas dans l'assiette. On se sert en pinçant les feuilles avec l'extrémité des couverts à salade. Il faut avoir soin de ne pas faire glisser les feuilles, du saladier sur son assiette.
Comment on mange les fruits.
Les fruits se mangent avec le couteau et la fourchette à dessert. Le couteau est à lame d'argent. Les pèches, poires, pommes se coupent en quatre avec la fourchette et le couteau, on enlève ensuite les noyaux ou pépins, on épluche en long chaque quartier et on mange à la fourchette en découpant à mesure en petits quartiers, comme de la viande.
Les raisins se mangent à la main.
Les grosses fraises qui ont leurs queues se mangent à la main; on les roule dans le sucre.
Les petites fraises sont épluchées, roulées dans le sucre à l'aide d'une cuiller à entremets et mangées avec cette même cuiller. Elles se mangent aussi quelque fois dans un service spécial, avec assiettes grandes comme des soucoupes, accompagnées de petites fourchettes et d'un sucrier fantaisie.
On détache la cerise de la queue et on la porte à la bouche; le noyau est rejeté dans la main repliée en cornet et déposé sur l'assiette.
Les autres fruits à noyaux, abricots, reines-Claude, mirabelles, se partagent en deux avec les doigts. On peut enlever la pellicule extérieure en se servant de la fourchette et du couteau à lame d'argent.
Les oranges se pèlent avec le couteau d'argent ou avec les doigts. Il existe pour cet usage des couteaux à orange avec lame argentée; le bout, divisé en trois dents, sert à piquer et à oter les graines des oranges. Pour manger les quartiers d'orange, on se sert soit d'une fourchette, soit d'une cuiller à bout très allongé. Les bananes se pèlent de la main gauche; de la droite, avec le couteau, on fend l'écorce en quatre parties longitudinales; le fruit ainsi détaché, on mange l'intérieur avec la fourchette et le couteau. Une petite recette gastronomique donnée par un indigène: pour que la banane ait toute sa saveur, il faut gratter avec un couteau à lame d'argent la couche cotonneuse qui l'entoure; le fruit ainsi dépouillé est excellent et d'un goût absolument différent.
Les figues fraiches s'épluchent de même, l'intérieur se mange avec une petite cuiller.
Pour manger le melon, il y a deux méthodes: la méthode américaine consiste à creuser avec une cuiller d'argent dans la partie supérieure de la tranche, on en mange à peine quelques cuillerées. En France, on le mange à la fourchette et au couteau; il faut surtout éviter de couper la tranche très profondément de manière à atteindre la couche verte.
Dans quelques maisons, on remplace en été, le potage par une tranche de melon rafraichie. Cette tranche, servie spécialement sur chaque assiette, s'accompagne d'une fourchette à tranchant pour couper la tranche. Les dents de cette même fourchette servent à piquer les morceaux.
Comment on sert les boissons glacées et les glaces.
Les boissons glacées se boivent avec des chalumeaux de paille. Les glaces se servent directement dans l'assiette; on supprime la serviette pliée que l'on posait autrefois au dessous parce qu'il était déplaisant de voir la glace fondre sur la serviette qui s'en imprégnait, et de tacher ensuite cette serviette en se servant de la glace.
Comment on sert le potage par la chaleur.
Le cosommé est servi froid dans de jolis bols d'argent ou des écuelles en vieille faïence. On peut le boire à même l'écuelle, car le consommé mangé à la cuiller perd beaucoup de sa saveur.
Petite étude gastronomique.
Chaque peuple a ses primeurs préférées. Il est amusant de constater combien les goûts diffèrent avec les nationalités.
Le Allemands ont un goût particulier pour les petits pois.
Les Anglais préfèrent les haricots verts.
Les Russes, les asperges.
Les Américains, les tomates.
Les Orientaux mangent carottes, concombres, navets, oignons complétement crus.
Les Français, et plus particulièrement les Parisiens préfèrent l'asperge, qualifiée d'ailleurs par les fins gourmets de "reine des légumes".
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 10 mai 1903.
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