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lundi 7 octobre 2013

A bas les baisers.

A bas les baisers.

Quand les hommes ne savent plus quel ridicule inventer, ils forment une ligue (nous voulons parler des hommes qui ne s'occupent pas de politique).
Ce que nous en avons vu mourir, de ligues, sous les rires et les matraques des majorités!
Aux Etats-Unis naquit, un jour, près de Wichita, la ligue des Ennemis du Baiser. Les adhérents juraient de n'embrasser aucune des personnes qui leur était chères. Le baiser, disaient-ils, est une pratique antihygiénique. Les hommes se communiquent de lèvres à lèvres la tuberculose et toutes les maladies des muqueuses. Foin du baiser, agent de mort et agent terrible parce qu'il est agréable tout au moins à la personne qui le donne !
La guerre aux baisers dura ce que durent les roses.
Puis, vint en Angleterre, les Adversaires de la poignée de main. "Quoi ! s'écriaient les ligueurs, allons-nous toujours imiter les sauvages qui ne peuvent se rencontrer sans échanger un frottement de nez ? La poignée de main est toujours ridicule, souvent hypocrite, parfois dangereuse." On les laissa énumérer toutes les bonnes raisons qui motivaient leur aversion pour le shake-hand. Et ils finirent par tendre leur dextre comme tout le monde.
En Amérique apparut, il y a vingt ans, l'association antithéâtrale. Les membres de cette ligue prenaient l'engagement solennel de ne se rendre ni au théâtre, ni au concert. C'était leur droit ! Mieux vaut rester chez soi qu'entendre les sottes grossièretés qu'expectorent les bas artistes de certains cafés-chantants. Mais nos gens voulurent contraindre le commun des mortels à partager leur aversion pour les plaisirs du spectacle et essayèrent, par la force, de fermer les portes de quelques établissements publics. Le public, ami des grosses joies, leur martela le crâne d'importance. Et la ligue expira.
Peu après, fleurit à New-York, l'association des poilus! Las de se faire tondre et de se raser, quelques centaines de citoyens jurèrent de laisser toute liberté à leur système pileux. Cette nouveauté obtint d'abord un très grand succés. Mais les femmes, qui avaient d'abord fait fête à cette mode originale, trouvèrent fort désagréables tous les Poilus du nouveau-monde. Et les ligueurs finirent entre les bras des barbiers.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 10 Mai 1903.

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