Des trois personnages chevauchant que représente notre vignette, l'un, celui du milieu, est un roi, un grand roi. Tous trois, s'en vont, en simple appareil par les rues de Paris. Le petit jour pointe à peine sur les toits, mais déjà les matineux et les besogneux sont sur pied; on le voit bien par les silhouettes qui se détachent sur le pavé de la rue. A la fenêtre d'un maison, tout juste au moment où passe la chevauchée, un homme en bonnet de nuit met le nez à l'air, et ce n'est pas pour humer la fraîcheur du matin; on suppose qu'il fait des actes de malice méchante, avec une pointe de mépris pour les cavaliers sitôt levés et qui semblent marcher à quelque besogne pressée. En réalité, l'anecdote serait mince, s'il ne s'y rattachait un fait particulier conservé par l'histoire.
Disons que notre gravure est la reproduction sur bois d'une miniature tirée de la Bibliothèque Nationale de Bruxelles. Ce manuscrit, un de ces splendides codices que l'art flamand exécutait pour la maison de Bourgogne, est une sorte de résumé de la doctrine et de la morale de l'Eglise, extrait des livres saints, des Pères, des légendes, etc. Il contient de très belles grisailles; le texte en a été "grossé" par David Aubert, "très humble et très indigne escripvain" du duc Philippe le Bon, "en la ville de Brouxelles, l'an mil CCCC et LXII."
Voici le paragraphe relatif à la miniature:
" Example au propos de humilité. Et côment saint Loys roy rendy à ung estudiant de Paris le bien pour le mal sans contrainte.
"Cy nous dist côment le bon roy saint Loys de France aloit une fois de nuit aux matines aux cordelliers de Paris et deux sergans d'armes avecques luy. Et ung estudiant par mesprison luy tomba son orinal sur son chief. Et le lendemain, il manda l'estudiant et luy donna la prebende de Saint Quentin en Vermendois pource qu'il estoit coustumier de soy relever à cette heure pour estudier. Mais il peust sur tel avoir tumber son orinal quy ne l'eust pas si bien payé. Car ja soit ce qu'il ne feist mie à escient ne fait apensé, plusieurs sont quy s'en fussent courouchiés. Mais le très humble roy saint Loys vouloit accomplir les commandemens de nostre Seigneur Dieu qui nous commande que nous rendions bien pour mal. Si sourmonterons toutes autres gens. Mais ceulx ne s'en prendent point garde que ce que l'on leur a meffait ne veulent pardonner nullement pour l'amour de Jhesucrist nostre souverain Seigneur."
Magasin pittoresque, 1879.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire