La récente révolution chinoise a amené la suppression, par le président Yuan-Chi-Kaï, du King-Bao, le plus vieux journal de la Chine, et vraisemblablement du monde entier.
Le président de la jeune République chinoise vient en effet d'interdire "à tout jamais" la publication du journal king-Bao, paraissant depuis 1500 ans. A une époque où on n'avait en Europe aucune idée de l'imprimerie ou d'un journal, le Chinois Gou-Koung trouva le moyen de fabriquer des caractères avec du plomb et de l'argent, et fonda, en l'an 400 de notre ère, sous l'empereur Fin-Khouang-Tsang, le journal King-Bao qui ne cessa, depuis, de paraître jusqu'à nos jours.
Au début, le journal était imprimé sur dix feuilles de soie jaune brochées ensemble et était envoyé aux principaux personnages de l'Empire.
Peu à peu, le King-Bao devint le journal le plus lu de la Chine. La bibliothèque de l'Empereur renferme d'intéressants documents sur l'histoire de ce doyen des journaux. Les rédacteurs en chef de ce journal déployèrent maintes fois un courageux patriotisme; c'est ainsi qu'au huitième siècle, le rédacteur en chef du King-Bao accusa de trahison le prince impérial Tin-Mo-Ling, qui fut de ce fait soumis à d'effroyables tortures et finalement brûlé vif.
D'autre part, cette feuille exposait déjà à ses lecteurs, il y a neuf cents ans, des idées que nous croyons toutes modernes. Par exemple, au douzième siècle, le rédacteur en chef du king-Bao osait recommander au gouvernement d'abandonner les vieilles traditions et cérémonies et "d'envoyer en Europe des hommes intelligents chargés d'y apprendre des nouvelles choses, de voir et d'entendre ce qui s'y faisait". Ce rédacteur, le célèbre poète Gour-Ston-Tchang, fut d'ailleurs, pour ce conseil, décapité, et sa tête, dont les oreilles avaient été coupées et la langue avait été arrachée, fut promenée dans toutes les villes de la Chine septentrionale.
B. V.
Le Journal de la Jeunesse, premier semestre 1913.
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