Toutes nous blessent; la dernière
Nous tue, ayant enfin pitié
Quand elle achève sans colère
L'oeuvre faite plus qu'à moitié.
Les autres, même la plus douce,
Hélas ! nous usent lentement
Et chacune d'elles nous pousse
Vers le funèbre monument.
Funèbre ? non. Quelle caresse
Vaut le sommeil sans lendemain ?
Vienne l'heure, pâle maîtresse
Qu'on espère jamais en vain !
Elle viendra, consolatrice,
Tarir la source des remords:
Nulle passion tentatrice
Ne trouble le repos des morts.
Ces heures pleines d'espérance,
De terreur ou de volupté,
Ne sont pourtant qu'une apparence,
Un rêve sans réalité.
Le temps, l'espace: vain mirage,
Mots creux auxquels rien ne répond;
Bruit de la vague sur la plage,
Du caillou dans le puit profond !
Avec le mètre et l'heure, infime,
L'homme prétend jauger les mers
Dont l'infini creuse l'abîme,
Qui pour flots ont des univers !
Sonnez, sonnez, Heures futiles
Mensonge par l'homme inventé !
Résonnez ! vos sons inutiles
Se perdent dans l'éternité.
Camille Saint-Saens.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 5 avril 1903.
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