La gageure des deux marottes.
Voyez, voyez, comme Engoulevent et Tuybelim dansent la morisque! Est-ce là danse d'honnêtes gens, ou sauterie de méchants diables d'enfer? Voyez leur air satanique et le mauvais rire qui court de leurs nez crochus à leurs mentons en pointe!
Messire René, roi d'Anjou, eut bien tort de laisser, dans sa bonne ville, au premier jour des liesses du carnaval, ses deux fous que Dieu confonde! Et entre eux s'est engagé pari à qui plus videra de pots, cassera de vitres, tourmentera de bourgeois; à qui plus mènera de bruit, navrera de chiens et de chats, narguera de moines; à qui plus vexera de gendarmes, effrayera de damoiselles! Mêmement convenus sont entre eux qu'à celui par qui plus de drolatiques méfaits auront été commis, large et copieuse repue sera ce soir offerte, et, après le repas proclamé sera Archifou et Prince des Sots d'Angers!
Et pour juge du débat ont pris l'escolier François, François qu'on nomme aussi Villon, aujourd'hui même arrivé de Paris, qui pour entrer en danse dérobe un poisson au povre porte-panier! Fermez vos huis, tenez-vous cois, bourgeois et hobereaux, ou vous en verrez bien d'autres.
Marotte rouge! marotte jaune! la querelle des deux marottes vous causera plus de nuisance qu'aux Anglais celle des Deux Roses. Il ne vous chault guère à laquelle échoira l'avantage, et la meilleure des deux n'a rien qui vaille pour vous, pauvres bourgeois d'Angers.
Grand Almanach français illustré, 1891.
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