Paray-le-Monial.(1)
La petite ville est antique; elle s'élève dans une plaine d'aspect agréable, mêlée de prairies et de vignes qui sont la richesse et la parure de la Bourgogne dont les pampres, tantôt verts, tantôt teintés de rouge, sont d'un si bel effet, et font si bien comprendre les dires du vieux chroniqueur: "Le plus beau royaume, la France; la plus belle duché, la Bourgogne..." Son aspect bienveillant, hospitalier, doux, et les mœurs de ses habitants tiennent ce que promet et fait attendre sa vue.
Paray-le-Monial a un blason, comme doit en avoir un toute ville qui se respecte un peu, et le sien est charmant. Ses armes sont d'argent au paon rouant d'azur, bégué et patté de gueules, ce qui veut dire que sur un fond blanc se détache un paon faisant la roue et montrant sa brillante queue bleue, et, pour relever encore sa beauté, et voulant faire mieux que la nature, on a donné à l'animal un bec et des pattes rouges.. Ceci fait ressortir le paon héraldique de Paray-le-Monial et le distingue de la famille commune des paons ordinaires.
La petite ville a eu comme tant d'autres sa ceinture de murailles et de tours, mais sans médire du courage de ses habitants qui en on fait montre en maintes circonstances, nous nous imaginons qu'elle n'a jamais eu l'humeur bien guerroyante. Elle n'a point l'aspect rébarbatif de certaines cités qui, dans le temps où nous vivons, dans la paix de notre civilisation moderne, ont encore gardé quelque chose qui fait songer aux nécessités imposées par les mœurs d'autrefois. En personne prudente et sage, Paray-le-Monial, non comme menace, mais pour préserver ses foyers des attaques des seigneurs, des malandrins et des routiers, avait donc une enceinte fortifiée.
C'était du reste une ville essentiellement monacale, créée pour ainsi dire, ou du moins embellie par des moines et religieuses qui y abondaient. Elle possédait même la seule église qui tant dans tout le Charolais fût, comme architecture, digne de quelque intérêt. Elle appartenait à un prieuré de l'ordre de Saint-Benoît, fondé en 973 par Lambert, comte de Charolais; ce prieuré fut, dès 999, réuni à la puissante abbaye de Cluny. Hugues, fils de Lambert, suivant les traces paternelles, fit rebâtir le monastère et édifia une nouvelle basilique, consacrée le 9 décembre 1004 sous le vocable de Notre-Dame et de Saint-Jean-Baptiste. C'est l'édifice, bien connu des fidèles de France et de l'étranger, qui subsiste encore, du moins en partie et qui est devenu l'église paroissiale. Son plan forme une croix latine, mais les deux bras du transept sont si allongés que l'ensemble du monument a presque l'apparence d'une croix grecque. Ainsi que toutes les autres églises de l'Ordre de Saint-Benoit, la basilique de Paray-le-Monial était précédée d'une avant-nef dont de très jolies sculptures byzantines ornaient les portes.
Dans la chapelle de la Vierge se trouve le tombeau de Jean de Damas de Digoine, seigneur de Clessey, chevalier de la Toison d'or, inhumé en 1468.
Cette église était fort riche en reliques, reliquaires, vases sacrés; malheureusement arrivèrent les abominables guerres religieuses; elle sévirent en Bourgogne comme dans toutes les autres provinces de France, et, en 1562, les protestants s'emparant de Paray-le-Monial, n'épargnèrent pas les richesses religieuses. Si les guerres civiles dévastent, celles qui ont pour prétexte ou raison les croyances religieuses, sont plus terribles encore.
Les habitants de Paray-le-Monial étaient aussi fort laborieux, très entendus en affaire industrielles et commerciales: ils s'établirent en bourgeois paisibles dans la ville, et y fondèrent une fabrique renommée d'étoffes et de toiles fines. Ce fut, je ne parle pas du présent, l'époque la plus prospère de la cité, elle se décora de belles demeures, et la richesse fut grande jusqu'à la malheureuse révocation de l'Edit de Nantes. Alors de Paray-le-Monial qu'avait habité le célèbre Dumoulin, où Théodore de Bèze avait fait entendre sa voix éloquente dans le temple construit près de la Porte du Poirier, trois cents des plus riches familles émigrèrent; elles allèrent porter en Suisse, en Allemagne, leurs capitaux et leurs industries, et ce petit coin du Charolais en éprouva grand dommage et grandes souffrances.
Le palais abbatial orné d'admirables jardins et promenades que l'on voyait encore en 1789 avait été construit en 1480 par le prieur Jean de Bourbon et achevé par Jacques d'Amboise, mort à Paray en 1516. Dans une des grandes salles de l'édifice on voyait une fresque représentant l'ouverture de la porte du Conclave d'où était sorti le pape Clément XI. Cette peinture avait été exécutée par les ordres d'Emmanuel Théodore de Bouffon, cardinal doyen du Sacré-Collège lors de cette exaltation. Ce Prélat tombé dans les mauvaises grâces de Louis XIV, pour témoigner de l'énergie avec laquelle il supportait cette disgrâce, avait fait peindre la principale pièce de son blason, une tour; elle était frappée par la foudre et le cardinal avait écrit au bas ces fières paroles: immota stat et inconcussa.
Paray-le-Monial possédait encore une autre peinture historique que les moines, pour la commodité de certains aménagements, détruisirent. Lorsque le Dauphin, qui fut Louis XI, s'enfuyant de la cour de son père, se hâtait de gagner le Dauphiné, il tomba malade à Paray chez l'abbé Jean de Bourbon. Pour célébrer sa guérison et en conserver le souvenir, dans une tour nommée "le Moine Gorre" on avait peint les écussons du Duc de Bourgogne, du Dauphin et des Seigneurs qui l'accompagnaient.
Aujourd'hui Paray-le-Monial est devenu un lieu de pèlerinage: c'est dans cette petite ville que Marie Alacoque a institué la dévotion au cœur de Jésus.
Paray-le-Monial possédait un collège dirigé par les Jésuites; l'un d'eux le P. Cl. de la Colombière, donna une forme à l'exaltation religieuse de Marie. Ce père nous a laissé de minutieux mémoires sur la vie de la bienheureuse Visitandine. Elle y mourut le 17 octobre 1790.
Paray-le-Monial est aujourd'hui un petit coin heureux, où la vie est agréable et douce; elle prospère, elle a pris sa part dans le mouvement de la richesse sociale, et, si elle n'a plus délégantes et curieuses maisons comme celle que nous offrons à nos lecteurs, elle n'a plus les chaumes d'autrefois.
La petite ville a eu comme tant d'autres sa ceinture de murailles et de tours, mais sans médire du courage de ses habitants qui en on fait montre en maintes circonstances, nous nous imaginons qu'elle n'a jamais eu l'humeur bien guerroyante. Elle n'a point l'aspect rébarbatif de certaines cités qui, dans le temps où nous vivons, dans la paix de notre civilisation moderne, ont encore gardé quelque chose qui fait songer aux nécessités imposées par les mœurs d'autrefois. En personne prudente et sage, Paray-le-Monial, non comme menace, mais pour préserver ses foyers des attaques des seigneurs, des malandrins et des routiers, avait donc une enceinte fortifiée.
C'était du reste une ville essentiellement monacale, créée pour ainsi dire, ou du moins embellie par des moines et religieuses qui y abondaient. Elle possédait même la seule église qui tant dans tout le Charolais fût, comme architecture, digne de quelque intérêt. Elle appartenait à un prieuré de l'ordre de Saint-Benoît, fondé en 973 par Lambert, comte de Charolais; ce prieuré fut, dès 999, réuni à la puissante abbaye de Cluny. Hugues, fils de Lambert, suivant les traces paternelles, fit rebâtir le monastère et édifia une nouvelle basilique, consacrée le 9 décembre 1004 sous le vocable de Notre-Dame et de Saint-Jean-Baptiste. C'est l'édifice, bien connu des fidèles de France et de l'étranger, qui subsiste encore, du moins en partie et qui est devenu l'église paroissiale. Son plan forme une croix latine, mais les deux bras du transept sont si allongés que l'ensemble du monument a presque l'apparence d'une croix grecque. Ainsi que toutes les autres églises de l'Ordre de Saint-Benoit, la basilique de Paray-le-Monial était précédée d'une avant-nef dont de très jolies sculptures byzantines ornaient les portes.
Dans la chapelle de la Vierge se trouve le tombeau de Jean de Damas de Digoine, seigneur de Clessey, chevalier de la Toison d'or, inhumé en 1468.
Cette église était fort riche en reliques, reliquaires, vases sacrés; malheureusement arrivèrent les abominables guerres religieuses; elle sévirent en Bourgogne comme dans toutes les autres provinces de France, et, en 1562, les protestants s'emparant de Paray-le-Monial, n'épargnèrent pas les richesses religieuses. Si les guerres civiles dévastent, celles qui ont pour prétexte ou raison les croyances religieuses, sont plus terribles encore.
Les habitants de Paray-le-Monial étaient aussi fort laborieux, très entendus en affaire industrielles et commerciales: ils s'établirent en bourgeois paisibles dans la ville, et y fondèrent une fabrique renommée d'étoffes et de toiles fines. Ce fut, je ne parle pas du présent, l'époque la plus prospère de la cité, elle se décora de belles demeures, et la richesse fut grande jusqu'à la malheureuse révocation de l'Edit de Nantes. Alors de Paray-le-Monial qu'avait habité le célèbre Dumoulin, où Théodore de Bèze avait fait entendre sa voix éloquente dans le temple construit près de la Porte du Poirier, trois cents des plus riches familles émigrèrent; elles allèrent porter en Suisse, en Allemagne, leurs capitaux et leurs industries, et ce petit coin du Charolais en éprouva grand dommage et grandes souffrances.
Le palais abbatial orné d'admirables jardins et promenades que l'on voyait encore en 1789 avait été construit en 1480 par le prieur Jean de Bourbon et achevé par Jacques d'Amboise, mort à Paray en 1516. Dans une des grandes salles de l'édifice on voyait une fresque représentant l'ouverture de la porte du Conclave d'où était sorti le pape Clément XI. Cette peinture avait été exécutée par les ordres d'Emmanuel Théodore de Bouffon, cardinal doyen du Sacré-Collège lors de cette exaltation. Ce Prélat tombé dans les mauvaises grâces de Louis XIV, pour témoigner de l'énergie avec laquelle il supportait cette disgrâce, avait fait peindre la principale pièce de son blason, une tour; elle était frappée par la foudre et le cardinal avait écrit au bas ces fières paroles: immota stat et inconcussa.
Paray-le-Monial possédait encore une autre peinture historique que les moines, pour la commodité de certains aménagements, détruisirent. Lorsque le Dauphin, qui fut Louis XI, s'enfuyant de la cour de son père, se hâtait de gagner le Dauphiné, il tomba malade à Paray chez l'abbé Jean de Bourbon. Pour célébrer sa guérison et en conserver le souvenir, dans une tour nommée "le Moine Gorre" on avait peint les écussons du Duc de Bourgogne, du Dauphin et des Seigneurs qui l'accompagnaient.
Aujourd'hui Paray-le-Monial est devenu un lieu de pèlerinage: c'est dans cette petite ville que Marie Alacoque a institué la dévotion au cœur de Jésus.
Paray-le-Monial possédait un collège dirigé par les Jésuites; l'un d'eux le P. Cl. de la Colombière, donna une forme à l'exaltation religieuse de Marie. Ce père nous a laissé de minutieux mémoires sur la vie de la bienheureuse Visitandine. Elle y mourut le 17 octobre 1790.
Paray-le-Monial est aujourd'hui un petit coin heureux, où la vie est agréable et douce; elle prospère, elle a pris sa part dans le mouvement de la richesse sociale, et, si elle n'a plus délégantes et curieuses maisons comme celle que nous offrons à nos lecteurs, elle n'a plus les chaumes d'autrefois.
(1) Les vieux historiens écrivent Parai, et comme nous parlons de la ville au temps jadis, nous aurions pu lui conserver dans notre article sa vieille orthographe.
Grand Almanach Français illustré, 1891.
Grand Almanach Français illustré, 1891.
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