L'agneau de Scythie.
Rien de plus étrange que les opinions répandues jadis sur la nature et sur les propriétés de certains végétaux exotiques; opinions partagées et propagées par les gens qu'on aurait dû croire au-dessus de pareilles naïvetés.
Par exemple, en 1605, Claude Duret, président à Moulins en Bourbonnais publia une Histoire admirable des plantes émerveillables et miraculeuses en nature, à laquelle nous empruntons deux curieuses figures: Le Portrait de l'arbre de l'île de Cimbubon qui portent des feuilles qui vivent et cheminent, et le Portrait du Baromets ou agneau de Scythie ou Tartarie, qui tout en ayant la vie de l'animal restait figé au sol en sa qualité de végétal.
A propos du premier, l'auteur dit, d'après Scaliger et Cardun: "Il y a en l'isle de Cimbubon un arbre, les feuilles duquel étant chues en terre se meuvent et advancent par un certain rampement, et ont de chaque costé comme deux petits pieds; estant touchées, elle s'avancent ou reculent. Une d'icelles, ayant été gardée huit jour dans une escuelle, vivoit et se mouvoit à mesure qu'elle estoit touchée et maniée."
Evidemment le bizarre mouvement attribué à ces feuilles a pour principe l'observation de quelque simple phénomène d'hygrométrie ou de conformation rétractile des tissus végétaux.
Peut-être s'agit-il d'une sorte de végétation analogue à celle dont on trouve l'exemple dans les épis de graminées barbus qui, sous l'effet des moindres mouvements, semblent d'eux-mêmes grimper dans une manche d'habit. Toujours est-il que nous ignorons quelle est cette plante de l'île de Cimbubon.
Quant à l'agneau de Scythie, qui longtemps d'ailleurs figura dans le vieil arsenal pharmaceutique comme spécifique souverain contre l'hémorragie, il est aujourd'hui reconnu que c'était une espèce de souche moussue à laquelle les Tartares ou Scythes modernes, pour répondre aux demandes des exportateurs, donnaient grossièrement la forme d'un quadrupède. Cette curieuse industrie ne trouve plus de débouchés aujourd'hui.
Grand Almanach Français illustré, 1891.
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