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jeudi 27 août 2015

Le carnet de madame Elise.

Les arrangements qui profitent.

Que de ménagères douées d'une grande bonne volonté, d'une énergie immense, manquent d'expérience et de jugement! Avec une patience inlassable, elles s'efforcent de mettre en ordre leur maison et ne peuvent y parvenir, parce que l'ordre qu'elles y établissent n'est pas en accord avec les obligations de l'existence de chaque jour.
C'est surtout aux jeunes femmes que ce reproche peut s'adresser; pour elles, mettre en ordre un appartement, c'est le préparer comme pour une inspection, une parade de quelques heures, et non le disposer en vue des besoins quotidiens, du train-train habituel. Elles s'ingénient à draper des tentures, à obtenir des arrangements du plus séduisant effet, à grouper des objets avec art, mais ne songent point que, dans le courant de la vie, on ne peut longtemps se plier à des combinaisons gênantes.
Que d'exemples de cet ordre mal compris se pressent sous notre plume! Ce sont des écharpes, des nœuds fixés par quelques épingles que dérange le moindre mouvement, des livres alignés sur une table et que le moindre choc fait choir, des coussins empilés qui s'effondrent.
Voici une armoire sur les rayons de laquelle les piles de linge, joliment disposés, offrent à l’œil un spectacle agréable; mais qu'on ne s'avise pas d'essayer d'enlever la moindre serviette, tout l'échafaudage s'écroulerait sans pitié, au grand désespoir de la maîtresse de maison.
Il en est de même pour les planches, les cartons, les tiroirs de rubans, les boîtes à gants, etc.
Interrogez une maîtresse de maison ayant acquis de l'expérience avec les années et elle vous dira combien de déceptions ont suivi ses rangements les plus savants et quelles dures leçons il lui a fallut subir avant d'avoir acquis l'ordre durable qu'on admire maintenant chez elle.
C'est par l'étude des besoins journaliers, des coutumes naturelles, qu'elle a compris combien l'ordre, pour être profitable, devait être en accord avec les nécessités de l'existence quotidienne.
Sous prétexte d'ordre, on a souvent l'habitude de placer sur des rayons très élevés les objets usuels. Certes, cette manière de procéder rend la pièce plus nette, plus ordonnée; mais au point de vue pratique cette installation de parade est maladroite et ne peut être respectée. Admettez-vous qu'il soit possible de dresser, chaque fois qu'on aura besoin d'un objet placé sur un haut rayon, une échelle ou un escabeau et, si on se plie à cette contrainte, n'en résultera-t-il pas une perte de temps, une fatigue inutiles?
Il est du premier devoir de la maîtresse de maison de ranger son appartement de telle sorte que le maintien de l'ordre soit pour tous facile et sans contrainte; le confort ne doit nullement être sacrifié à la parade.
On pourra adopter quelques dispositions compliquées pour les pièces où l'on reçoit et qui ne sont pas d'un usage journalier, le salon, par exemple, c'est le domaine et la coquetterie de la maîtresse de maison; mais en revanche, dans tout le reste de l'appartement, on veillera strictement à établir et entretenir un ordre sage, intelligent, pratique; c'est la seule façon de le rendre durable.

                                                                                                               Mme Elise.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 19 février 1905.

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