L'hypocras.
Breuvage de nos pères.
L'hypocras était, au moyen âge, une boisson fort renommée. Son nom ne dérive pas, comme Ménage semble le croire, de celui d'Hippocrate, inventeur prétendu de cette boisson agréable et salutaire; il doit plutôt venir des mots grecs upo et kéranumi, qui signifie mélanger.
L'hypocras était, en effet, un mélange de vin et d'ingrédients doux et recherchés; on en jugera par la recette que le fameux Taillevant, maître queux (cuisinier) de Charles VII, nous en a laissée: "Pour une pinte (de vin) prenez trois treseaux (gros) de cinamone fine et pure, un treseau ou deux de mesche (sans doute du macis ou brou de noix muscades), demi-treseau de girofle et dix onces de sucre fin, le tout mis en poudre. Et faut tout mettre en un couloir, et plus est passé (clarifié) mieux est, mais gardez qu'il ne soit éventé."
Pour parvenir à cette clarification parfaite on employait un filtre spécial qui même avait reçu le nom de chausse d'hypocras. Plus tard, pour accélérer la préparation, on employa des essences à l'aide desquelles, selon le dictionnaire de Trévoux, on faisait soudainement de l'hypocras. Le vin rouge ou le vin blanc n'était pas toujours la base de cette liqueur: on le faisait aussi avec de la bière, du cidre et même de l'eau. Mais c'était là l'hypocras du peuple et, suivant le Dr Pegge, la cannelle, le poivre et le miel clarifié en étaient les seuls ingrédients. Chez les grands on s'en tint toujours à l'hypocras au vin rehaussé d'un goût de framboise et d'ambre. Du temps de Louis XIV, il était encore en faveur. On le servait dans tous les grands repas. La ville de Paris devait même chaque année en donner un certain nombre de bouteilles pour la table royale.
En somme donc, l'hypocras n'était autre chose que du vin fortement aromatisé et sucré. Remarquons d'ailleurs que les aromates jouaient généralement chez nos aïeux un rôle bien plus important qu'aujourd'hui, à tel point que pour eux une des conséquences les plus importantes de la découverte du nouveau monde sembla consister en cela que la possession de ces contrées ferait affluer plus abondamment et plus économiquement en Europe les épices et les aromates.
Grand Almanach français illustré, 1891.
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