Les Bulgares.
La race bulgare est la première des populations chrétiennes de l'empire ottoman, comme nombre et comme surface. Elle occupe les provinces de Solistrie, Varna, Routschouk, Vidin, Nisch, Pristina, Philippopolis, Sophia et la plus grande partie de celle de Monastir, Salonique, Andrinople, sans compter les colonies bulgares de la Russie méridionale et de la Moldavie. L'ensemble peut s'évaluer à sept millions d'âmes.
La race bulgare est principalement agricole, contrairement aux tendances des Slaves en général; il est vrai qu'elle n'est pas slavisée, c'est à dire que les anciens Bulgares, race ouralienne venue des bords du Volga, ont pris la langue slave en adoptant le christianisme sous le Bas-Empire.
Comme toutes les races agricoles, le Bulgare est robuste, sobre, hospitalier, doux et disciplinable. Si on veut l'étudier dans ses éléments les moins mêlés, il faut pénétrer dans les Balkans, au fond de ces villages chrétiens (selo) qui ont conservés toute leur autonomie d'autrefois, et où, sur cinq à six mille âmes, vous ne trouvez jamais qu'un seul Turc, le mudir ou sous-préfet.
C'est là qu'on trouve des costumes qui n'ont guère varié depuis le temps du kral Kram, qui assiégea Constantinople. Le plus original est celui des montagnards de Samakov: pantalon collant, avec des losanges allongés aux deux genoux; ceinture de cuir serrée; veste en laine blanche s'évasant vers le bas, avec broderies en laine bleue; manteau en laine blanche à la hongroise; opankes ou sandales avec jambières, rappelant les abarcas du pays basque. Le menton rasé, les moustaches, et la queue pendant sur le dos, sont d'ordonnance; de même que le bonnet en peau de mouton (chapska), ressemblant un peu au kaçula des Valaques, et dont la forme varie légèrement suivant les différents cantons.
Le costume des femmes, fort étoffé, comme tous les costumes des pays froids, se compose d'une jupe de laine sans manches, recouvrant un jupon blanc dont le bord brodé dépasse de trois ou quatre doigts; cette jupe s'échancre sur le buste st laisse voir la chemise, dont les manches flottantes et brodées découvrent l'avant-bras. Les deux détails les plus caractéristiques de ce costume sont une ceinture aux larges fermoirs de cuir ordinairement arrondis, et un collier de pièces de monnaie dont la valeur intrinsèque donne la mesure de la fortune de celle qui le porte: il est de sequins chez les riches, de pièces d'argent chez les paysannes à l'aise, de simples paras de cuivre chez les pauvres. La tête nue, avec quelques fleurs dans les cheveux (disposés en bandeaux et partagés à l'arrière en deux tresses), est l'attribut des vierges; les femmes portent un foulard rouge relevé de quelques bijoux.
En Bulgarie, comme en Grèce et ailleurs, les paysans seuls ont conservé un costume national: la bourgeoisie des villes a adopté les vêtement européens, moins le chapeau qu'elle remplace par le fez. Les femmes non presque point sacrifié à nos modes, autant que j'ai pu en juger, il y a huit ans, quand j'ai visité la Bulgarie centrale (1): leur costume était toujours celui des riches familles non levantines de Constantinople, et le goût personnel y avait une large place. Je regretterais fort qu'elles eussent depuis suivi le torrent, et surchargé leur beauté (toujours remarquable, parfois splendide) de quelques-unes des tristes inventions par lesquelles nos Françaises ont entrepris de corriger la nature, si généreuse envers leurs sœurs d'Orient.
(1) C'est M. Guillaume Lejean qui nous a envoyé ces lignes.
Le Magasin pittoresque, décembre 1865.
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