Inondations.
L'inondation ne diminue sur un point que pour reparaître sur un autre, et cela s'explique par la rupture des digues qui, en donnant issue aux eaux vers de nouvelles vallées, fait baisser le niveau général de l'inondation, parce qu'elle en étend la surface. Plusieurs des grandes voies ferrées continuent à ne pouvoir transporter des voyageurs; celle de Bordeaux a chômé pendant plusieurs jours, et des avis placardés dans les gares de chemin de fer avertissaient les voyageurs du point où le train était obligé de s'arrêter.
Comme à l'ordinaire, ni le dévouement des autorités ni le courage personnel ne font défaut dans cette grande calamité. Partout des expéditions de sauvetage sont organisées. Elles portent des vivres aux inondés et rapportent des nouvelles à leurs parents inquiets et presque désespérés. Un des rédacteurs de la Presse, M. Baragnon, qui vient de se distinguer dans ces généreuses expéditions dirigées à travers le val de la Loire, en Sologne, donne les détails les plus émouvants sur les spectacles navrants dont il a été témoin. Il raconte comment la barque sur laquelle il était monté a d'abord suivi la route de Sandillon, dont l'emplacement était marqué par la cime de quelques grands arbres et le faite des maisons. L'étage supérieur de ces maisons est seul habité. On hèle de distance à distance la barque pour demander le pain dont on a besoin. C'est une scène du déluge. Les eaux grises et mugissantes roulent des portes, des fenêtres, des débris de toute espèce; elles entrent dans les maisons éventrées pour en sortir avec un bruit sinistre. Quelquefois les hardis sauveteurs débarquent sur le toit d'une habitation. C'est ainsi qu'ils réussissent à franchir le remblai du railway qui forme barrage aux flots de Jargeau, d'Arvoy et de Puchesse. Alors ils se trouvent comme en pleine mer; aussi loin que s'étend le regard, on ne voit que de l'eau.
Là, ils rencontrent un malheureux à moitié nu, debout sur un pan de mur qui émerge du milieu des flots. Il y a dix-huit heures qu'il est dans cette position critique. Aux questions qu'on lui adresse, il répond qu'il a voulu passer sur ce mur pour se rendre à l'étage supérieur de sa ferme, et que la muraille s'est écroulée, sauf sur le point qui le portait. On le prend dans la barque et on le conduit à sa ferme, dont l'étage supérieur est au-dessus du niveau de l'inondation.
Ici, ils passent près du village de Saint-Denis-en-Val, le clocher marque seul la place du village, qui est tout entier sous les eaux.
De temps à autre, on entend comme des coups de tonnerre qui retentissent dans l'espace; ce sont de nouvelles maisons qui s'écroulent. Puis, comme il arrive toujours dans les catastrophes de ce genre, la comédie a son coin dans le drame. A peine éloignés d'une ferme où l'on manquait de pain depuis douze heures, les sauveteurs s'entendent appeler à grands cris par une vieille femme qui, passant la tête par la fenêtre de son grenier, leur fait signe d'approcher. Sauvée du cataclysme, elle ne songe qu'à une chose, c'est à aller vendre à Orléans ses melons qui se gâtent, elle supplie les sauveteurs de la prendre avec sa cargaison de cucurbitacées.
Le récit de M. Baragnon restera comme la page la plus intéressante écrite sur les inondations de 1866.
La Semaine des Familles, samedi 15 octobre 1866.
Comme à l'ordinaire, ni le dévouement des autorités ni le courage personnel ne font défaut dans cette grande calamité. Partout des expéditions de sauvetage sont organisées. Elles portent des vivres aux inondés et rapportent des nouvelles à leurs parents inquiets et presque désespérés. Un des rédacteurs de la Presse, M. Baragnon, qui vient de se distinguer dans ces généreuses expéditions dirigées à travers le val de la Loire, en Sologne, donne les détails les plus émouvants sur les spectacles navrants dont il a été témoin. Il raconte comment la barque sur laquelle il était monté a d'abord suivi la route de Sandillon, dont l'emplacement était marqué par la cime de quelques grands arbres et le faite des maisons. L'étage supérieur de ces maisons est seul habité. On hèle de distance à distance la barque pour demander le pain dont on a besoin. C'est une scène du déluge. Les eaux grises et mugissantes roulent des portes, des fenêtres, des débris de toute espèce; elles entrent dans les maisons éventrées pour en sortir avec un bruit sinistre. Quelquefois les hardis sauveteurs débarquent sur le toit d'une habitation. C'est ainsi qu'ils réussissent à franchir le remblai du railway qui forme barrage aux flots de Jargeau, d'Arvoy et de Puchesse. Alors ils se trouvent comme en pleine mer; aussi loin que s'étend le regard, on ne voit que de l'eau.
Là, ils rencontrent un malheureux à moitié nu, debout sur un pan de mur qui émerge du milieu des flots. Il y a dix-huit heures qu'il est dans cette position critique. Aux questions qu'on lui adresse, il répond qu'il a voulu passer sur ce mur pour se rendre à l'étage supérieur de sa ferme, et que la muraille s'est écroulée, sauf sur le point qui le portait. On le prend dans la barque et on le conduit à sa ferme, dont l'étage supérieur est au-dessus du niveau de l'inondation.
Ici, ils passent près du village de Saint-Denis-en-Val, le clocher marque seul la place du village, qui est tout entier sous les eaux.
De temps à autre, on entend comme des coups de tonnerre qui retentissent dans l'espace; ce sont de nouvelles maisons qui s'écroulent. Puis, comme il arrive toujours dans les catastrophes de ce genre, la comédie a son coin dans le drame. A peine éloignés d'une ferme où l'on manquait de pain depuis douze heures, les sauveteurs s'entendent appeler à grands cris par une vieille femme qui, passant la tête par la fenêtre de son grenier, leur fait signe d'approcher. Sauvée du cataclysme, elle ne songe qu'à une chose, c'est à aller vendre à Orléans ses melons qui se gâtent, elle supplie les sauveteurs de la prendre avec sa cargaison de cucurbitacées.
Le récit de M. Baragnon restera comme la page la plus intéressante écrite sur les inondations de 1866.
La Semaine des Familles, samedi 15 octobre 1866.
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