Début d'Angoulevent.
- Par la sang-bleu, je pense avoir gagné.
- Par Saint Lézin, c'est moi, voici douze!
- Douze? j'aurais perdu! Il faut donc que ce soient dés pipés!
- Pipeur toi-même qui jetais l’œil au fond du cornet et ajustais les coups.
- Mensonge et jonglerie!
- Affronteur et hasardeur de dés!
- Corde et tonnerre, si je me fâche!
- Par la sang-bleu, si je me lève...
Ainsi clamaient les deux joueurs.
" Boute-les d'accord et dos à dos, dit François à l'oreille d'Angoulevent, tous deux ont tort! ce sont les archers de Monsieur le Prévôt qui gentiment chevauchent ce banc dérobé à quelque église et jouent aux passe-dix, laissant leurs compagnons faire le guet en leur lieu."
Angoulevent, à qui point n'était l'imaginative éveillée de si grand matin et qui ne savait trop que faire, saisit au vol l'idée et si dextrement empoigne et lève en l'air un bout du banc, que Tuybelim charmé de la farce veut en être et, sans souci de gâter son capuchon, donne de la tête comme un bélier forcené
et plus en bas précipite les deux gens d'armes, qui, "culebutants", étourdis, ébaudis, crient à tue-tête:
"- A l'aide! Ah compaing, si j'ai pipé les dés, me deviez-vous pour cela bousculer de si mâle façon?
- Sang-bleu! compaing, si j'ai faussé le coup, me deviez-vous si rudement bouter vos pieds au front?
- Ha! mes "povres" épaules! Ha! que ne suis-je paisible à faire le guet à mon tour!"
Dans un instant fous auront déguerpi et toute leur vie disputeront ensemble les deux archers, chacun croyant que ce fut l'autre qui lui fit ce mauvais coup.
Grand Almanach Français illustré, 1891
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