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lundi 11 janvier 2016

Le carnet de madame Elise.

Toujours heureuse.

Je ne vous étonnerai pas, amis lecteurs, en vous disant que la plupart des lettres de mon courrier sont des lettres de tristesse et de plainte. Le bonheur n'a pas besoin de confident anonyme, il rayonne ouvertement. Les larmes au contraire, coulent souvent en cachette et l'inquiétude, le regret, le dépit, l'appréhension dissimulés aux proches aiment à s'exhaler en des lettres adressées de préférence aux personnes qu'on ne voit jamais.
J'apprécie bien sincèrement le rôle que votre confiance m'assigne et j'estime que nos causeries familières vous seraient d'une moins grande utilité si mon expérience n'était pas documentée par vous-mêmes.
Je ne vous étonnerai pas davantage en vous disant que le mariage est un des sujets de plaintes le plus souvent mis en avant par mes lecteurs et mes lectrices: tantôt ce sont des célibataires qui se plaignent de leur solitude morale, qui dédaignent le foyer paternel et veulent absolument fonder une famille, tantôt ce sont des époux qui se plaignent des déboires et des amertumes que leur apporte leur union malheureuse.
Les causes de ces lamentations sont multiples, mais je place au premier rang l'idée très inexacte que l'on se fait du mariage. Un célibataire s'imagine trop volontiers qu'il lui suffit de trouver un conjoint pour s'être assuré le bonheur; pour lui l'acquisition de la félicité est comparable à l'acquisition d'un meuble qui est faite une fois pour toute et d'une façon définitive; je me marie, donc je m'assume pour toujours la possession d'une âme sœur et d'un cœur fidèle, comme mon emplette chez le marchand de meubles m'assure pour toujours la possession d'un fauteuil confortable.
Partant de cette notion fausse, les célibataires cherchent à se marier sans discernement et les gens mariés se reposent étourdiment sur les serments échangés aux jours des fiançailles.
La réalité est bien éloignée de cette quiétude simpliste et la conservation du bonheur réclame une attention plus minutieuse. Après avoir choisi soigneusement son conjoint, il faut encore s'efforcer d'entretenir en lui la tendresse, par sa propre affection, par ses vertus et par son charme. Ce dernier point est souvent négligé et vous entendez maintes fois des femmes honnêtes s'écrier: "A quoi bon être coquette? moi, mariée, je n'ai plus l'ambition de plaire!"
Quelle imprudence, madame! Mais il faut chercher à plaire à votre mari, soignez vos mains, polissez vos ongles, maintenez votre taille dans de bons corsets? Ne mordez pas dans des aliments durs pour ne pas casser vos dents et si par hasard un accident survient, vite que le dentiste répare et complète votre dentition. Et si vous vous apercevez que vos cheveux blanchissent prématurément pourquoi ne pas les teindre, non pas de ces couleurs criardes et affichantes, mais avec des nuances si voisine de la vôtre que personne ne se doutera de la supercherie? Mais faites bien attention de ne point employer de produits dangereux: le plus sur est de vous adresser à un chimiste tel que M. Chabrier, 48, passage Jouffroy, dont les connaissances scientifiques et l'expérience pratique sont pour vous d'excellentes garanties. Quand votre chevelure d'une belle teinte jeune, fera une ombre heureuse sur votre front, elle dissimulera mieux les petites rides qui le sillonnent.
Toujours jeune, toujours gaie, toujours tendre... comment ne seriez pas toujours heureuse?

                                                                                                                     Madame Elise.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 8 mars 1908.

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