En Limousin.
Voici un doux pays, le pays des douces montagnes. Les Alpes sont tristes, les Pyrénées joyeuses. Dans les Alpes, parfois le soleil semble s'éteindre; il ne peut descendre au fond de ces vallées qui pleurent et de ces ravins d'où monte le froid. Il rit dans les Pyrénées; il teint de rose ces sommets qui se laissent fouler par le pied de l'homme, mais qui refusent le labeur de ses mains. Les douces montagnes du Limousin sont humaines. Elles appartiennent à l'homme, elles produisent pour lui. D'échelons en échelons, il y fait monter ses troupeaux, il y mène sa charrue.
La haute partie du limousin, serviable encore, mais plus sauvage, est celle qui tire son nom de la Corrèze, rivière bien nommée, Corrèze, coureuse. Elle court. Elle prend son élan, bondit et se remet à courir. on pourrait aussi l'appeler la chanteuse; elle ne court pas sans chanter. Quel chant vivant, aimable, parfois éclatant! Lorsqu'elle s'élance pour franchir un obstacle, ou lorsqu'un rocher du bord veut l'arrêter, sa robe verte s'entrouvre, il en jaillit des perles: la coureuse les laisse et elle court. Elle s'enfonce dans les berceaux de châtaigniers, elle tourne au flanc des collines, elle caresse les grandes herbes, courant, chantant, dansant; et les grands bestiaux la regarde courir.
Oh! la belle coureuse! On voit sur la route l'eau s'échapper des rochers en filets d'argent, et courir et se précipiter et la rejoindre. Et elle va toujours, preste et contente; et nous ne pouvons nous retenir de lui jeter des genêts fleuris, des bruyères, des mauves, pour qu'elle les emporte.
A quelle fête vas-tu si joyeusement? Prends du moins ces parures!
Louis Veuillot.
L'Illustré pour tous, choix de bonnes lectures, 21 juin 1885.
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