La guerre des tarifs.
Les négociations pour la conclusion d'un nouveau traité de commerce entre la France et l'Italie reprendront-elles? Néanmoins les deux pays continueront jusqu'à nouvel ordre ce que les économistes appellent la guerre des tarifs.
Cette guerre a pour victimes, producteurs et consommateurs, et pour héros... les douaniers. Nous devions faire connaître aux lecteurs du Petit Moniteur Illustré, ces farouches gardiens de la frontière italienne, dont nos voyageurs ne conservent pas toujours un souvenir agréable, car depuis la triple alliance, ils prennent leurs fonctions au sérieux, disons même au tragique.
Leur costume se compose d'une veste verte avec galons et passepoils jonquille, du modèle en usage dans toute l'armée italienne, et d'un pantalon gris clair. Une plume d'aigle, piquée toute droite, dépasse d'une belle longueur la forme de leur feutre, orné sur le devant d'un emblème en cuivre. De loin, dans les rochers, le Parisien en voyage circulaire les prendra facilement pour des brigands d'opéra-comique.
Notre dessin les montre en devoir de faire exécuter leurs sévères consignes à la gorge Saint-Louis, entre Vintimille et Menton, à la place même qui faillit devenir célèbre, grâce aux coups de fusils trop zélés de l'un d'eux.
Le mince filet d'eau qui court entre les pierres du premier plan, c'est le torrent Saint-Louis qui sert de frontière entre les deux pays jusqu'à la mer. Sur la côte, au-dessus des travaux d'art du chemin de fer, passe la fameuse route de la Corniche et la petite maison blanche qui se dresse en haut sur la pointe est la première douane italienne où l'on devra conduire délinquants et récalcitrants en cas de contravention ou de contestation.
Car les contestations sont fréquentes sur ce point où les hasards de la mer peuvent faire aborder des bateaux de pêche qui doivent alors justifier sous peine de saisie, de leur véritable origine et de la provenance de leurs marchandises, comme on l'a vu à propos de l'incident auquel nous faisions plus haut allusion et qui est encore dans toutes les mémoires.
Et, pendant ce temps-là, l'interruption des relations commerciales avec la France ruine l'Italie, ce qui n'empêche pas M. Crispi de dépenser en armements militaires et maritimes, en travaux de luxe, en réceptions impériales. Le peuple italien, d'abord grisé par son entrée dans la triple alliance, finira sans doute, par ouvrir les yeux et trouvera qu'un bon petit traité de commerce avec la France ferait bien mieux son affaire.
Le Petit Moniteur illustré, dimanche 14 janvier 1890.
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