Justice domestique I.
Un particulier retint à souper un de ses amis. Le fils de la maison se trouva placé près de lui, et ne vit pas sans beaucoup de concupiscence le gros brillant et la belle montre que portait son voisin.
Soit convoitise particulière, soir désir de satisfaire quelque maîtresse, le jeune homme conçoit et prend la résolution de voler l'ami de son père. Peu avant qu'on se retire, il feint de s'en aller coucher, et va dans une rue détournée pour attendre son homme; il l'entend, ses sens se troublent, l'idée d'une reconnaissance lui tourne la tête; mais, au lieu de renoncer à son malheureux projet, il attaque traîtreusement la victime qu'il veut dépouiller, et de deux coups sur la tête, il le fait tomber à ses pieds.
Le diamant et la montre sont enlevés; il rentre sans bruit dans la maison de son père et dépose le vol dans un petit buffet de sa chambre. Pendant ce temps, on relevait sa victime, et grâce à quelques eaux spiritueuses on l'avait rappelé de son étourdissement; néanmoins, comme son ami n'était pas éloigné, il s'y fit transporter pour y passer la nuit.
Il arrive, il dit en quatre mots son aventure; on s'empresse à lui donner des secours, il est introduit dans la chambre du fils pour plus de commodité; tout est mis sens-dessus-dessous, on ouvre par hasard le fatal buffet.
O ciel! il voit, il reconnaît son diamant et sa montre.
- Mon ami, dit-il, voilà mes bijoux!
- Que voulez-vous dire? Serait-ce possible! Mon fils! ô malheureux père!
Le jeune homme paraît, affecte un air tranquille; son père ne voit plus en lui qu'un être destiné à l'échafaud; cette affreuse idée trouble ses sens, et, dans un transport furieux, il lui brûle la cervelle.
Anecdotes secrètes du XVIIIe siècle.
Dictionnaire encyclopédique d'Anecdotes, Edmond Guérard, Paris, Firmin-Didot, 1876.
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