Les anciens, quand ils s'adressaient à une seule personne, quelque digne de respect qu'elle fût, avaient l'habitude de dire tu. Le vouvoiement (si j'ose employer ce mot) n'existait pas chez eux. C'est probablement un reste de cet usage qui fait que dans la poésie et l'éloquence nous employons encore volontiers le tu quand nous nous adressons à une personne très-élevée, comme Dieu, un roi, etc.
L'emploi de vous dans un sens de politesse et de respect s'introduisit seulement lors de la décadense de l'empire romain. Dès le cinquième siècle on le rencontre assez fréquemment; il est dans Sidoine Appolinaire.
On doit penser que cette tendance se développa peu à peu dans la littérature du moyen âge et gagna les habitudes de la conversation. Dès qu'apparaissent les premiers monuments de la langue française, on y remarque l'usage du vous:
Et dist al rei: Or ne vus esmaiez
(Et il dit au roi: Or ne vous effrayez)
Chanson de Roland.
Cependant cet emploi est encore tellement incertain que souvent on trouve dans une même tirade le tu et le vous s'adressant à une même personne.
Dans le Charroi de Nîmes, chanson de geste du douzième siècle, le roi parlant à un de ses pairs lui dit:
Venez avant, je vous dorrai (connerai) beau don.
Prenez la terre au preu comte Foucon;
Serviront toi trois mille compaignon.
Depuis ces temps, l'usage du vous dans la conversation s'établit définitivement, et le tu ne fut plus d'usage que dans le style pompeux ou le langage familier.
Magasin pittoresque, année 1879.
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