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samedi 14 septembre 2013

L'imitateur de bruits au cinéma.

L'imitateur de bruits au cinéma.

Il s'agit de donner au spectateur d'une séance cinématographique une illusion plus grande encore que la vérité. Déjà, la musique de l'orchestre s'est adaptée à la pièce: si c'est une bouffonnerie, on joue des airs gais; on entend les accents de la polka que les acteurs dansent sur le rideau lumineux. Si c'est un drame, les airs sont, tour à tour, graves et pathétiques.
Mais il y a mieux. Dans certains "théâtres muets", on s'applique à reproduire tous les bruits qui interviennent normalement dans uns scène: le claquement d'une porte précipitamment fermée, la détonation d'une arme à feu, le roulement de la voiture dans l'assaut de la diligence ou tout autre pièce de ce genre.
Vous savez les merveilleux résultats qu'on obtenus certains vrais théâtres dans cet ordre d'idées. Ils renferment dans leurs coulisses des légions de machinistes qui savent imiter les éclairs, faire tomber la neige sur la scène, sonner des carillons, etc. Au cinématographe, ce personnel auxiliaire est beaucoup plus modeste et se réduit à un employé, l'imitateur de bruits, et c'est cet homme à tout faire que nous allons épier, pendant une représentation.
Il se tient généralement caché dans une petite chambre, juste derrière le rideau blanc sur lequel l'appareil envoie des projections, et il suit toutes les scènes du "film" avec plus d'attention que le plus enthousiaste des spectateurs. C'est qu'il ne s'agit pas de faire de "gaffes" et, par exemple, de tirer le coup de pistolet qui abat le cambrioleur, deux secondes avant que celui-ci a touché le sol. Il serait désastreux que l'on entendit le bruit de la vaisselle brisée, quelques instants avant que la cuisinière la laisse échapper de ses mains.
Aussi, l'imitateur tient-il ses yeux constamment fixés sur le rideau. En bras de chemise, il est assis devant une petite table qui est chargé d'appareils. Ils sont tous très primitifs. Lorsque vous entendez le cheval du courrier galoper à travers les rues pavées de la ville, ce bruit très particulier des sabots du cheval est simplement obtenu avec deux moitiés de noix de coco dont l'opérateur tapote légèrement la table.
Si, au cours d'une scène de ménage, il arrive qu'une partie du mobilier est renversée, l'affreux tumulte qui s'ensuit est provoqué par quelques haltères qui tombent de la table sur le parquet, en même temps que des fragments d'assiettes. Le faiseur de bruits donne aussi quelques coups de pied dans des sceaux vides, puis, en les empoignant, il les jette avec fracas sur le sol.
L'orage qui gronde s'imite au moyen d'une plaque de tôle qui est agitée. Pour faire entendre la pluie, on projette d'une boite de fer blanc dans une autre, quelques douzaines de pois chiches. Le faiseur de bruits a toujours à portée de la main un révolver chargé dont il fera usage au bon moment.
Il fait tinter les cloches de la petite église villageoise, après le mariage de l'héroïne, et si, dans uns scène mouvementée, une gifle s'abat sur la joue d'un individu, vous croyez entendre la gifle, mais vous entendez seulement le claquement de la semelle d'une vieille pantoufle sur un coin de table.
Quand vous voyez avec admiration, les grandes vagues se briser majestueusement sur le rivage, notre homme frotte vigoureusement la surface de sa table avec du papier de verre. Et quand les vagues s'étalent sur les sables et qu'on n'entend plus qu'une sorte de bruit soyeux, très doux, c'est que l'opérateur fait aller son bras moins vite et qu'il frotte plus légèrement.
Mais voici la scène attendu où paraissent les cow-boys. Ils allument un feu de camp et l'on peut entendre les flammes crépiter. Etes-vous bien sûrs que ce soit réellement un feu de bois qui flambe ? Ce pétillement qui vous trompe est produit par un fagot de petit bois très sec que l'on piétine.
L'imitateur siffle quand un des indiens appelle un de ses amis. Il sait encore produire le cri de guerre et faire entendre la flèche qui fend l'air et atteint son but.
A côté de lui, il y a un baquet d'eau. Vous le voyez tout à coup lancer dans le baquet un gros morceau de bois, puis agiter rapidement celui-ci dans l'eau.
Vous ne comprenez peut être pas tout à fait l'effet qu'il a voulu produire. Mais si vous jetez les yeux sur la scène, vous voyez qu'un agent vient de se précipiter dans la rivière pour porter secours à quelqu'un qui est tombé à l'eau et vous reconnaissez que la chute du corps dans l'eau et les remous ont été reproduits avec une étonnante exactitude.

                                                                                                           André Savignon.

Le Journal de la jeunesse, premier semestre 1913.

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