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mercredi 11 février 2015

Fontenay-Vendée.

Fontenay-Vendée.
(Département de la Vendée)



Fontenay doit son origine à une petite bourgade gallo-romaine dont on retrouve encore quelques débris. Bâtie sur les bords de la Vendée, au-dessus d'un gué étroit qui permettait de traverser facilement la rivière, cette bourgade était un lieu important de passage défendu par une forteresse. Une fontaine abondante, qui sort du rocher servant de base à cette forteresse, lui donna son nom: Fontanetum, Fontiniacum.
A diverses époques, on a trouvé des médailles gauloises et romaines en or, des murailles bâties en petit appareil, des fragments de poteries à figures, près de Saint-Thomas, ancienne commanderie de l'ordre de Saint-Lazare qui est aux portes de Fontenay, et qui antérieurement fut, dit-on, la première église destinée aux habitants des rares cabanes bâties sur ces coteaux. Une découverte plus importante a été faite, en 1845, à 1.500 mètres de là, à Saint-Médard des Près. Des ouvriers occupés à extraire des cailloux y mirent à découvert les restes d'une villa ornée de peintures d'un bon style. Un an après, le hasard fit retrouver dans le même endroit le tombeau d'une femme gallo-romaine où étaient enfouis des vases de terre et de verre, des coffrets, et tous les ustensiles d'un artiste: boîte à couleur en argent et en bronze, palette en porphyre, mortier en albâtre, instruments en cristal, rien n'y manquait. Cette admirable collection, unique en son genre, remonte au troisième siècle. Une autre, découverte à la Baugisière, composée de plusieurs milliers de tiers de sou d'or mérovingiens, à fait connaître aux numismates les noms de plus de cent ateliers monétaires de la première race.
La chronique de Nantes apprend qu'en 841 Renaud d'Herbauges et Lambert, comte de Nantes, réunirent leurs armées en ce lieu, afin de marcher au secours de Charles le Chauve et de Louis attaqués par Lothaire. Ils se rendirent ensuite à Fontanet, où se livra, le 25 juin, la terrible bataille qui ruina les prétentions de ce dernier. Le choix de ce point de réunion démontre évidemment que, dès le neuvième siècle, la digue des Loges servait de passage à ceux qui, du pays de Nantes, se rendaient en Poitou.
Cent ans plus tard, Fontenay fut le chef-lieu d'une viguerie et vers la fin du onzième siècle, l'évêque de Poitiers y transporta le siège du doyenné de Saint-Pierre du Chemin. A dater de cette époque, son nom se trouve assez souvent mentionné dans les chartes, et son histoire commence réellement à être connue. La force de son château, qui servit de refuge contre l'invasion des Normands, fut sans doute la cause de l'importance qu'il acquis alors.
Au commencement du douzième siècle, les comtes de Poitou le cédèrent aux vicomtes de Thouars. Il passa ensuite entre les mains de la famille de Mauléon, qui a produit le fameux Savary, guerrier troubadour, l'un des hommes les plus remarquables de son temps. Le 16 octobre 1213, Fontenay fit partie des châtellenies dont il hérita de son oncle Guillaume. A sa mort, arrivée de 20 juillet, Geoffroy de Lusignan, dit le grand'dent, le prétendu fils de la Mélusine, s'empara du château au détriment du jeune Raoul de Mauléon, sous prétexte qu'il était héritier de la famille de Rancon, qui avait, en effet, possédé une partie de la seigneurie, et que le fils de Savary était bâtard. Mais cette spoliation ne profita guère à Geoffroy; car, ayant trempé dans la révolte du comte de la Marche contre saint Louis, ce prince s'empara de Fontenay en mai 1242, et le donna à son frère Alphonse, qu'il venait de faire comte de Poitou. Ce fut alors que la ville devint la capitale du Bas-Poitou, et prit le nom de Fontenay-le-Comte.
Alphonse mort, la châtellenie retourna au domaine de la couronne, dont elle fut séparée deux fois: en 1311 pour être donnée à Philippe le Long, et en 1316 pour faire partie de l'apanage de Charles-le-Bel, comte de la Marche.
Le fatal traité de Brétigny fit passer Fontenay sous la domination des Anglais, qui n'y entrèrent qu'à la fin de septembre 1361, après une assez longue résistance des habitants, et qui le conservèrent jusqu'en 1372, époque à laquelle Du Guesclin l'enleva à Jehanne de Clisson, femme de Jehan de Harpedenne, connétable d'Angleterre. Charles V récompensa le héros breton par le don de sa nouvelle conquête. Le 1er décembre 1377, celui-ci la vendit à Jehan de Berry, comte de Poitou.
Pendant les trente années suivantes , Fontenay prit un accroissement considérable, et vit son commerce de drap et de pelleteries porté au plus haut point de prospérité. La guerre des Armagnacs et des Bourguignons arrêta malheureusement ses progrès et le ruina presque entièrement. Puis, après divers changements qu'il serait trop long d'énumérer, il passa entre les mains d'Arthur de Richemont par son mariage avec Marguerite de Bourgogne, veuve du dauphin Louis (1423). Ce prince fit tout ce qu'il put pour réparer les pertes que les malheurs passés avaient fait éprouver à la châtellenie. Le château et les murs de la ville furent réparés, le pont recreusé, l'église de Notre-Dame complètement rebâtie; mais la mort empêcha Arthur de voir l'achèvement de la belle flèche qui domine l'édifice et qui ne fut terminée qu'à la fin du quinzième siècle. Fontenay avait alors douze mille habitants.


Là s'opéra un changement important dans sa situation. Louis XI, toujours disposé à favoriser les gens de moyen état au détriment de l'aristocratie féodale, l'érigea en commune à la suite d'un voyage qu'il fit en Bas-Poitou en 1469, pendant lequel il fut à même de juger du parti qu'il pourrait tirer d'une création de ce genre, placée au milieu de la noblesse turbulente de la contrée. Cependant, en 1477, il céda la seigneurie à Pierre de Rohan, maréchal de Gié, en échange de Fronsare. Le 26 janvier 1487, Charles VIII la racheta de ce nouveau maître qui l'avait réduite à l'état d'exploitation agricole. Plus tard, François d'Escars, sieur de La Vauguyon, reçut de François 1er la jouissance du revenu et le titre de seigneur de Fontenay; mais cette fois, du moins, la ville conserva ses privilèges, et les vit même s'accroître lorsque le siège royal devint comté et sénéchaussée en novembre 1544.
Avant d'aller plus loin, nous devons parler des titres qui assurent à Fontenay, une place dans la gloire scientifique et littéraire de la France.
Rabelais entra, dans les premières années du seizième siècle, en qualité de novice, au couvent des frères mineurs de Fontenay. Il y reçut la prêtrise vers 1511. Tout en remplissant les devoirs de son ministère, le joyeux et spirituel Tourangeau dut s'éloigner des habitudes de paresse de ses compagnons.
Fontenay renfermait déjà quelques esprits éclairés. Deux hommes surtout devinrent les amis de Rabelais: André Tiraqueau, alors lieutenant du sénéchal de Poitou au siège royal, "le bon, le docte, le tant humain, tant débonnaire et équitable Tiraqueau", comme il se plait à le rappeler; et Pierre Amy, savant helléniste. Ces intelligences d'élite entretenaient avec les savants de l'époque des correspondances suivies, qui ajoutaient aux charmes de leurs doctes entretiens. Le cercle de réunion s'élargit peu à peu; mais les frères mineurs ne virent pas d'un bon œil les relations de leur collègue avec des séculiers. Les livres grecs leur portaient surtout ombrage, et ils montrèrent tout d'abord leurs projets hostiles par la confiscation de ces ouvrages diaboliques à leurs yeux, ou tout au moins faits par des hérétiques. Puis ils parvinrent à séparer Pierre Amy de Rabelais, et l'amenèrent même à être son accusateur. Celui-ci, indigné, prit en haine l'état monastique; son esprit frondeur s'aiguisa dans cette lutte continuelle contre des ennemis devenus implacables. Il les harcela de ses épigrammes. Sa perte fut résolue. un mauvais tour joué par lui à quelques paysans crédules servit, dit-on, de cause ostensible à un acte excessif de vengeance: Rabelais fut condamné sans bruit à être enfermé dans un cachot. Mais ses amis, inquiets de sa disparition, parvinrent à le tirer de ce péril et à le faire entrer chez les bénédictins de Maillezais. Sa nouvelle demeure ne lui convint guère plus que l'ancienne; il arriva même à un tel dégoût qu'un beau jour il sortit du couvent pour s'attacher à son ancien camarade Geoffroy d'Estissac, évêque du lieu. Ainsi commença la deuxième phase de sa vie aventureuse.

                                             
                                           Cette signature de Rabelais est prise sur un acte du 5 avril 1515,
                                          relatif à l'achat d'une maison par les frères mineurs de Fontenay.


Le départ de ce célèbre écrivain ne détruisit pas le petit cercle scientifique et littéraire formé par lui à Fontenay. L'impulsion donnée par lui se fit sentir jusqu'au milieu du siècle suivant. Pendant cent cinquante ans, la capitale du Bas-Poitou fut un foyer intellectuel qui jeta un vif éclat et donna à la France une foule d'hommes illustres parmi lesquels nous citerons: André Tiraqueau, savant et jurisconsulte; Barnabé Brisson, premier président du parlement de la ligue; Nicolas Rapin; François Viète, mathématicien; Jehan Besly, auteur de l'Histoire des comtes de Poitou; et une quarantaine d'autres littérateurs qui ont laissé des ouvrages de quelques valeurs. Les généraux Bellard et Lecomte, et l'amiral Grimouard, sont les seuls hommes de guerre qu'ait produit Fontenay.
Lorsque les guerres de religion éclatèrent, le Bas-Poitou, qui semblait prédestiné à être le champ de bataille des factions, eut beaucoup à souffrir. Fontenay, où le premier ministre protestant établi dans la contrée était venu fonder un prêche en 1559, fut pris et repris sept fois par les deux partis (1), qui vengèrent tour à tour sur ses habitants et ses édifices leurs précédentes défaites. Le 1er juin 1587, Henri de Navarre l'enleva définitivement aux catholiques, et acheva sa ruine en la plaçant sous l'autorité de La Boulaye, homme d'un rare courage et d'un vrai mérite, mais dur et imbu des idées féodales. Ce fut à la fidélité de ce gouverneur que fut confié Charles X, le vieux roi de la Ligue, mort de la gravelle le 9 mai 1590.
Toutefois, Henri IV donna la paix au Bas-Poitou; mais il ne fut pas plus tôt mort que la noblesse reprit ses allures guerroyantes, et tenta de nouveau de se soustraire à l'autorité royale. Le prince de Condé et Soubise y recrutèrent de nombreux partisans, grâce à l'influence de quelque hommes, parmi lesquels l'historien Théodore-Agrippa d'Aubigné, gouverneur de Maillezais, joua le premier rôle. ce ne fut que lorsque Richelieu se fut emparé de la Rochelle que la tranquillité put enfin renaître.


Le voisinage du boulevard du protestantisme devait cependant être encore fatal à Fontenay, car Louis XIII ne lui eut pas plus tôt donné un évêché que des considérations politiques l'en firent dépouiller pour le placer à la Rochelle. Cette perte n'empêcha pas le commerce de la ville de reconquérir un peu d'activité. La présence de René Moreau, curé de Notre-Dame, le saint Vincent de Paul de la contrée, contribua également à étouffer les germes de discordes qui existaient entre les partis, et elle ne se ressentait déjà plus de ses malheurs passés, lorsque la révocation de l'édit de Nantes vint lui porter un coup dont elle ne se releva jamais.
De 1680 à la révolution, aucun événement remarquable ne se passa à Fontenay. L'Assemblée nationale en ayant fait le chef-lieu du département de la Vendée, il acquit une grande importance pendant la guerre qui désola l'ouest de la France.
Bonaparte, arrivé au pouvoir, estima que le meilleur moyen d'empêcher le retour de l'insurrection était d'établir un pouvoir militaire au centre de la Vendée, et de percer en tous sens le département par des routes. Il mit donc à exécution une pensée de la Constituante, et Napoléon-Vendée fut fondée. Un décret du 19 août 1804 y transporta le chef-lieu. Fontenay perdit ainsi son dernier espoir d'agrandissement. Il n'est plus aujourd'hui qu'une sous-préfecture de huit mille âmes. Placé en amphithéâtre sur un coteau que baigne la Vendée, entouré de ses faubourgs et de plaines immenses, dominé par les clochers de Notre-Dame et de Saint-Jean, il a un aspect pittoresque qui plaît à l'artiste. On a dernièrement recreusé le port; mais cette tentative n'a ravivé que faiblement le commerce; de sorte que la ville doit se résoudre à tenir un rang secondaire et tendre vers des améliorations purement locales. Dans cet ordre d'idées, elle peut encore beaucoup si elle comprend le rôle que lui trace sa position géographique.

(1) Ce fut en attaquant Fontenay, au mois de juin 1570, que Lanoue perdit un poignet, qu'il fit remplacer par un bras de fer, circonstance à laquelle il dut son surnom.

Magasin pittoresque, novembre 1849.

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