Jean de Nivelles (1)
(1) Extrait de la Notice historique sur la ville de nivelles, etc. par M. François Lemaire.
Magasin pittoresque, novembre 1849.
Nous avons déjà rapporté l'une des traditions qui expliquent le proverbe bien connu: "il est comme le chien de Jean de Nivelles qui s'enfuit quand on l'appelle."
Une traîtresse voix bien souvent nous appelle;
Ne vous pressez donc nullement.
Ce n'était pas un sot, non, non, et croyez-m'en,
Que le chien de Jean de Nivelles.
La Fontaine.
D'après cette tradition, Jean de Montmorency, seigneur de Nivelles, s'étant rangé du parti de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, son père, qui guerroyait sous l'oriflamme de France, lui intima l'ordre de revenir combattre à ses côtés dans les rangs de l'armée française. Jean n'en voulut rien faire; son père cria plus haut, Jean fut sourd encore; enfin le père se mit en marche à la tête d'une nombreuse escorte pour soumettre son fils rebelle; mais celui-ci crut qu'il n'était pas prudent de l'attendre et prit la fuite. Alors, dans sa colère, le père de Jean de Montmorency et le peuple auraient flétri du nom de chien ce fils lâche et fugitif.
Suivant une autre tradition citée dans le Dictionnaire de Trévoux, Jean de Montmorency aurait été appelé à comparaître devant le parlement de Paris, comme coupable d'avoir frappé son père; il ne déféra point à l'appel du parlement et se sauva en Flandre; et c'est à cette occasion que le peuple, justement indigné, l'aurait flétri de ce surnom de chien.
Quoi qu'il en soit de ces anecdotes historiques, il reste à rechercher quel motif a fait donner le nom de Jean de Nivelles à la statue de bronze qui sonne les heures au sommet d'une des tours latérales de l'église de Sainte-Gertrude, à Nivelles. Est-ce un nom honorifique? est-ce un sobriquet railleur?
On rapporte qu'en 1202, lorsqu'un grand nombre de seigneurs, entraînés par la voix éloquente de Foulques de Neuilly, eurent pris la croix pour la délivrance du Saint-Sépulcre, maître Jean de Nivelles se joignit à eux et s'illustra par sa bravoure; ce qui fit donner le nom de Jean de Nivelles à la statue de la tour Sainte-Gertrude.
Enfin voici une quatrième hypothèse moins connue: Arnould de Raisse raconte, dans son livre intitulé: Auctarium ad natales sanctorum Belgii, que dans le douzième siècle le couvent d'Oignies comptait au nombre de ses membres un nommé Jean de Nivelles, chanoine de l'ordre de Saint-Augustin, docteur en théologie, très-bon prédicateur et ancien doyen de l'église Saint-Lambert, à Liège. La goutte lui ayant paralysé une jambe, on fit venir de France un médecin renommé, qui promit à Jean de nivelles, sa guérison s'il voulait s'imposer un repos rigoureux.
"- Combien de temps peut durer ce repos? demanda le vieillard.
- Quatre mois, répondit le médecin.
- Trop malheureux serais, répartit le saint homme, s'il me fallait durant quatre mois m'abstenir de travailler au salut de mon prochain."
Le médecin se retira, et Jean de Nivelles, bravant les douleurs les plus aiguës, poursuivit sa pieuse mission. Mais il vit bientôt ses maux s'aggraver.
"Le bienheureux Jean de Nivelles, dit la légende, était fort malade, et s'en allait mourir. L'extrême fatigue et les austérités l'avaient tellement endolori, que tout bruit un peu vif, tout mouvement imprévu redoublaient son agonie. Ce cruel état durait depuis huit jours, lorsqu'on décida d'écarter de lui son chien qu'il aimait beaucoup, mais qui, par ses jappements et sa vivacité, lui causait de fréquents saisissements. D'abord on crut qu'il suffirait de le chasser, mais l'animal était si importun à revenir, car il était très-attaché à son maître, qu'il fallut le mettre hors de la maison et le battre de verges, à toutes les heures du jour et de la nuit, pour le tenir éloigné. La première journée, le saint vieillard ne dit rien, mais le lendemain il demanda son chien; on lui dit qu'on l'avait éloigné afin de hâter sa guérison; et comme il soupirait, on ajouta qu'il devait supporter cette privation, si c'en était une pour lui, en esprit de pénitence. Jean garda le silence, mais on voyait qu'il était affligé. Le troisième jour il demanda encore son chien: on lui fit la même réponse, il se tut tristement encore. Cependant la maladie faisait de rapides progrès; on vit bien que Jean allait mourir. Le matin du quatrième jour il ne parla plus, mais il étendit la main pour caresser une dernière fois son chien fidèle. Un des frères fut touché de compassion, et on alla appeler le chien. Ce fut peine inutile; on avait battu tant de fois la pauvre bête pendant trois jours, que, bien qu'il rôdât encore autour de la maison, il n'osa plus l'approcher, et, comme s'il se fût fait en lui une révolution, il s'enfuyait au contraire à mesure qu'on l'appelait. Ce manège dura deux jours, autant que la dernière agonie du malheureux Jean de Nivelles. A l'heure où le maître trépassa, le chien s'élançant au loin s'enfuit et ne reparut jamais."
Enfin voici une quatrième hypothèse moins connue: Arnould de Raisse raconte, dans son livre intitulé: Auctarium ad natales sanctorum Belgii, que dans le douzième siècle le couvent d'Oignies comptait au nombre de ses membres un nommé Jean de Nivelles, chanoine de l'ordre de Saint-Augustin, docteur en théologie, très-bon prédicateur et ancien doyen de l'église Saint-Lambert, à Liège. La goutte lui ayant paralysé une jambe, on fit venir de France un médecin renommé, qui promit à Jean de nivelles, sa guérison s'il voulait s'imposer un repos rigoureux.
"- Combien de temps peut durer ce repos? demanda le vieillard.
- Quatre mois, répondit le médecin.
- Trop malheureux serais, répartit le saint homme, s'il me fallait durant quatre mois m'abstenir de travailler au salut de mon prochain."
Le médecin se retira, et Jean de Nivelles, bravant les douleurs les plus aiguës, poursuivit sa pieuse mission. Mais il vit bientôt ses maux s'aggraver.
"Le bienheureux Jean de Nivelles, dit la légende, était fort malade, et s'en allait mourir. L'extrême fatigue et les austérités l'avaient tellement endolori, que tout bruit un peu vif, tout mouvement imprévu redoublaient son agonie. Ce cruel état durait depuis huit jours, lorsqu'on décida d'écarter de lui son chien qu'il aimait beaucoup, mais qui, par ses jappements et sa vivacité, lui causait de fréquents saisissements. D'abord on crut qu'il suffirait de le chasser, mais l'animal était si importun à revenir, car il était très-attaché à son maître, qu'il fallut le mettre hors de la maison et le battre de verges, à toutes les heures du jour et de la nuit, pour le tenir éloigné. La première journée, le saint vieillard ne dit rien, mais le lendemain il demanda son chien; on lui dit qu'on l'avait éloigné afin de hâter sa guérison; et comme il soupirait, on ajouta qu'il devait supporter cette privation, si c'en était une pour lui, en esprit de pénitence. Jean garda le silence, mais on voyait qu'il était affligé. Le troisième jour il demanda encore son chien: on lui fit la même réponse, il se tut tristement encore. Cependant la maladie faisait de rapides progrès; on vit bien que Jean allait mourir. Le matin du quatrième jour il ne parla plus, mais il étendit la main pour caresser une dernière fois son chien fidèle. Un des frères fut touché de compassion, et on alla appeler le chien. Ce fut peine inutile; on avait battu tant de fois la pauvre bête pendant trois jours, que, bien qu'il rôdât encore autour de la maison, il n'osa plus l'approcher, et, comme s'il se fût fait en lui une révolution, il s'enfuyait au contraire à mesure qu'on l'appelait. Ce manège dura deux jours, autant que la dernière agonie du malheureux Jean de Nivelles. A l'heure où le maître trépassa, le chien s'élançant au loin s'enfuit et ne reparut jamais."
(1) Extrait de la Notice historique sur la ville de nivelles, etc. par M. François Lemaire.
Magasin pittoresque, novembre 1849.
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