La vache à la jambe de bois.
M. R. , fermier des environs de Chartres, possédait une vache qu'il affectionnait particulièrement.
Deux raisons l'y incitaient: c'était une de ses meilleures laitières et l'élève de sa défunte femme.
Un jour, l'animal se cassa la jambe. Le vétérinaire appelé conseilla de la vendre pour la boucherie, mais comme le cultivateur s'y refusait obstinément, le praticien déclara:
- L'amputation est indispensable... Vous serez bien avancé avec une bête à trois jambes... La voyez-vous partant à cloche pied?... Si elle en avait cinq, passe encore, vous pourriez la montrer à la foire et vous faire de petites rentes avec!
M. B. ne paru pas goûter la plaisanterie.
Il répliqua très grave:
- Si l'on ne peut éviter l'amputation, pratiquez la... Ma vache aura une jambe de bois, voilà tout.
Quelques jours après, l'opération ayant parfaitement réussi, le fermier entrait chez un orthopédiste.
- Je voudrais une jambe de bois, demanda-t-il
- Pour homme, pour femme ou pour enfant? interrogea le commerçant.
M. B. secoua la tête.
- Non, pour vache.
- Nous n'avons pas cet article en magasin... Il faudrait la faire sur mesure.
Il en fut ainsi et après peu de temps, la bête invalide reprenait sa place dans le troupeau, avec un peu plus de raideur qu'autrefois, voilà tout.
Le même animal, au cours de sa jeunesse, avait eu une aventure assez singulière. Elle était fort étourdie; un jour, voulant sauter entre deux arbres, sa longe se prit dans une branche et la folâtre sauteuse demeura suspendue en l'air jusqu'à ce que son maître, attiré pas ses beuglements, parvint, non sans peine, à la sortir de cette délicate situation.
Cette vache mourut de vieillesse. Franchement sa destinée lui valait bien cette distinction.
Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 24 mai 1903.
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