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vendredi 27 février 2015

L'étendard du prophète.

L'étendard du prophète.

L'étendard sacré (sandjaki-chérif) est pour l'empire ottoman une sorte d'oriflamme qui ne se déploie jamais que lorsqu'un péril imminent menace l'Etat.
C'est, pour ainsi dire, un article de foi pour les Turks de croire que le sandjaki-chérif fut porté par les mains victorieuses du prophète Mohammed lui-même, ainsi que par les khalifes ses premiers successeurs qui le transmirent à la dynastie des Ommiades à Damas, l'an de l'hégire 661 (1283), et l'an 750 (1372) de la même ère aux Abbassides, à Bagdad et au Caire.
Lorsque Sélim 1er fit la conquête de l'Egypte en 1517, et renversa le khalifat, cet étendard passa à la maison des Osmanlis. Dans le principe, il était sous la protection du pacha de Damas, en sa qualité de chef conducteur de la caravane annuelle du pèlerinage de la Mecque. En 1595, il fut apporté en Europe sous la responsabilité du grand visir Sanan-Pacha, et arboré dans la guerre de Hongrie comme talisman qui devait raviver le courage des Musulmans et rétablir la discipline entièrement perdue dans leurs rangs.
Mahomet III confia le saint drapeau, de l'an 1595 jusqu'en 1603, à une garde de trois cents émirs, sous la surveillance de leur chef Nakibol-Echref. Depuis, quarante porte-enseignes, chargés de le porter tour à tour, ont été choisis parmi les portiers du sérail. Les quatre divisions de cavalerie, désignées sous le nom spécial de bultki-erbaa (gardes du corps), sont préposées particulièrement à sa défense.
Cet étendard sacré est enveloppé de quarante couvertures de taffetas vert, et renfermé dans un fourreau de drap vert qui contient également un petit koran écrit de la main du khalife Osman, et les clefs d'argent de la Kaaba, que Sélim 1er reçut du chérif de la Mecque. L'étendard a quatre mètres de longueur; dans l'ornement d'or (une main fermée) qui le surmonte, se trouve un autre exemplaire du Koran, écrit par le khalife Omar, troisième successeur de Mohammed.
En temps de paix, ce précieux drapeau est gardé dans la salle du noble vêtement: c'est ainsi que l'on nomme l'habit porté par le prophète. Dans cette même salle sont encore gardées les autres reliques vénérées de l'empire, les dents sacrées, la barbe sainte, l'étrier sacré, le sabre et l'arc de Mohammed, et les armes et armures des premiers khalifes.
A la guerre, on dresse une tente magnifique pour recevoir l'étendard sacré, et l'on y attache par des anneaux à une lance de bois d'ébène, coutume qui rappelle le petit temple où était déposée l'aigle des légions romaines, suivant le récit de Dion Cassius.
A la fin de chaque campagne, le coupon sacré de soie verte qui forme cet étendard, est replacé avec beaucoup de solennité dans un coffret très-richement orné.
jusqu'à notre temps, cet étendard n'a point cessé d'être pour les Turks un talisman réel, destiné à rassembler les défenseurs de l'islamisme, et à exciter leur courage dans les combats contre les chrétiens.
En 1648, à l'avènement de Mahomet IV au trône, le grand visir n'eut qu'à planter de sandjaki pour ranger à ses intérêts le corps des janissaires; et récemment, en 1826, le sultan Mahmoud l'a fait déployer pour dissoudre cette garde formidable.
Cette sainte bannière n'est d'ailleurs déployée qu'en temps de guerre et à toute extrémité; c'est le signal de mettre à l'instant tout en oeuvre pour sauver l'empire.
Il est interdit à tout chrétien d'arrêter, d'hasarder même un regard profane sur ce gage vénéré de salut. Le 27 mars 1769, quand Akhmet III déclara la guerre à la Russie, et qu'à cette occasion la cérémonie d'arborer le sandjaki-chérif eut lieu, l'internonce de la cour d'Autriche à Constantinople, voulant en être témoin caché, avait retenu une chambre chez un mollah à un prix très-élevé; puis, trouvant une autre chambre ailleurs, il rompit son premier marché. Pour se venger, le mollah alla dénoncer la curiosité de cet ambassadeur aux janissaires, qui, transportés d'une rage fanatique, coururent à la maison où ils se trouvaient, cachés derrière une jalousie, l'imprudent spectateur et sa famille. Les furieux enfoncèrent les portes: ils n'osèrent mettre la main sur la personne sacré du ministre qui représentait Joseph II; mais ils maltraitèrent cruellement l'épouse et la fille de l'internonce, et massacrèrent dans la rue un grand nombre de chrétiens tout à fait innocents de cette indiscrétion. Le divan chercha par de riches présents à réparer cet attentat, et le cabinet de Vienne rappela son plénipotentiaire.

Magasin pittoresque, décembre 1849.

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