Nicolas Rapin.
Nicolas Rapin naquit à Fontenay-le-Comte, en 1540. Son père cumulait les fonctions de procureur et de notaire; au besoin, il remplissait aussi celles de receveur des tailles.
Après avoir fait son droit à Poitiers, Nicolas vint exercer la profession d'avocat près la sénéchaussée du Bas-Poitou. La conduite qu'il tint pendant les premiers troubles arrivés en 1562, le fit remarquer par le gouverneur de la province, Du Lude, et estimer de ses concitoyens qui l'élurent maire en 1570.
Ce poste entraînait alors une grande responsabilité; le salut de la ville dépendait souvent de la fermeté de son premier magistrat, qui était autant militaire que civil. Attaqué par les Calvinistes le 17 juin, il se défendit vaillamment avec sa compagnie d'archers et une poignée de soldats rassemblés à la hâte, et il eut l'honneur d'être excepté de la capitulation, pour s'être opposé à la reddition de la place. Ce fut à ce siège que La Noue perdit un poignet, qu'il fit remplacer par un bras de fer.
Rapin dut au dévouement de l'un de ses amis les moyens de se retirer à Niort.
Au mois d'août 1576, Barnabé Brisson, son compatriote et ami, le fit nommer vice maréchal de robe courte, fonction qu'il remplit avec une telle activité que les habitants des campagnes l'avaient surnommé la Terreur des pillards. Neuf ans plus tard, Henri III lui fit présent de la charge de grand prévôt de la connétablie de France, en remplacement de François Duplessis, père du cardinal de Richelieu.
Les circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvait la cour avait présidé à ce choix. Il fallait, avant tout, à le tête de la justice prévôtale un homme déterminé, et qui ne fût attaché par aucun engagement antérieur aux deux grands partis qui se disputaient la France. Il était, en effet, également éloigné de la Réforme et de la Ligue. Nature sceptique et sensuelle, il n'avait pour guide qu'une espèce de franchise soldatesque, puisée à la même source que sa gaieté satirique. Lié depuis de longues années avec plusieurs membres de la haute magistrature, il en avait reçu les inspirations, et était allé au parti des politiques. Les événements marchèrent si vite et renversèrent tellement toutes ses prévisions, qu'en 1588, il lui fallut néanmoins opter entre le roi et plusieurs de ses anciens amis. Il rejoignit la cour, et Barnabé Brisson, devenu président du parlement de la Ligue, prononça, six mois après, l'arrêt qui le dépouillait de sa charge.
La réunion des politiques et des Calvinistes permit à Rapin de reprendre l'épée. Il s'enrôla en qualité de capitaine, et assista à la bataille d'Ivry et à plusieurs autres affaires jusqu'au siège de Paris où fut tué Maxime son frère aîné. Cette perte douloureuse lui fit abandonner la carrière des armes et l'engagea à se rendre à Tours. C'est alors que lui et quelques autres écrivains conçurent la première pensée de la Satyre Ménippée.
Tel est le titre d'un livre très-vanté, qui a joui d'une réputation immense. "La Satyre Ménippée, dit-on souvent, fut plus utile à Henri IV que toutes ses victoires." Jamais plus d'erreurs ne se trouvèrent réunies en moins de mots; car le pamphlet destiné à tourner en ridicule les Etats de 1593, et que l'on prétend avoir porté un coup si fatal à la Ligue, ne parut qu'en 1594, un an après la dissolution du parti. M. Auguste Bernard, auquel nous devons plusieurs excellents travaux sur la Ligue, a parfaitement apprécié cette oeuvre de circonstance et la remise à sa véritable place. " La satire fait ouvrir les Etats généraux le 10 février, jour où il n'y a pas eu de séance, et introduit dans l'assemblée des personnages qui, à aucun titre, n'y figurèrent. De plus il règne dans le livre une confusion déplorable, toutes les époques y sont mêlées, et ce désordre nuit singulièrement aux arguments qui y sont présentés en faveur d'Henri IV. D'abord il semble qu'on assiste à une séance d'ouverture; mais bientôt, on s'aperçoit qu'on a marché sans sortir de la salle, et qu'il s'est écoulé un an entre le premier et le dernier discours, et cela sans transition aucune."
En définitive, la Satyre Ménippée est une curiosité littéraire, où brillent çà et là quelques éclairs de génie de Rabelais. Elle dut son succès à la politique de Henri IV, humilié d'avoir été forcé d'obéir au sentiment populaire hostile au calvinisme. A dater de l'abjuration du Béarnais, la Ligue n'existait plus; son rôle fut terminé dès qu'elle eut empêché le royaume de subir la Réforme. Il est donc inexact de dire qu'elle périt sous les coups du ridicule.
Le monument capital de l'esprit public de la fin su seizième siècle fut le Dialogue du Maheustre et du Manant, plainte touchante et fière que l'un des Seize a légué à la postérité, comme un manifeste des tendances de son parti.
On peut tenir pour certain que Gillot, P. Pithou, Florent Chrestien, Passerat, Rapin et autres littérateurs du parti des politiques retirés à Tours furent les auteurs de la Satyre Ménippée. "J'ai donné notre Satyre à monsieur de Lesdiguières," écrivait Gillot à Rapin, le 5 juillet 1596. De quel autre travail collectif entendait-il parler, si l'on adopte, l'opinion de ceux qui veulent leur ravir la paternité de celui-ci?
Rapin passe pour avoir composé les harangues du recteur Rose, de d'Epinac et d'Engoulevent, et plusieurs des pièces de vers semés au travers du récit. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il dut de nouveau à sa plume la charge du grand prévôt, dont il se démit, à la fin de 1599, en faveur de son fils Nicolas. Déjà vieux, couvert de blessures, mécontent du roi, il rentra chez lui à demi ruiné, pour avoir voulu soutenir son rang de gentilhomme de fraîche date, et assuré de ne pas recevoir la moindre récompense des services rendus au plus gascon de tous les princes. La philosophie lui vint heureusement en aide: il fit achever sa chère maison de Terre-Neuve, située aux portes de Fontenay, et s'y retira bien résolu désormais à consacrer entièrement aux muses et à l'amitié les dernières années de sa vie.
Au-dessus de la porte de son petit château, on lit encore ces vers:
Au-dessus de la porte de son petit château, on lit encore ces vers:
Ventz, soufflez en toute saison
Un bon air en cette maison;
Que jamais ni fièvre, ni peste,
Ni les maulx qui viennent d'excez
Envie, querelle ou procez,
Ceulx qui s'y tiendront ne moleste.
Malgré les charmes de sa nouvelle existence, Rapin nourrissait le désir d'aller une dernière fois visiter ses amis de Paris. Il se mit en route; mais arrivé à Poitiers, il y mourut le 13 février 1608.
Comme poëte français, il mérite d'être classé parmi les meilleurs représentants de l'école de Desportes. Ses vers latins ont de la grâce et un cachet d'originalité que peu d'auteurs modernes ont su donner aux écrits qu'ils ont composés en cette langue. Quant à ses vers métriques, on ne peut guère les considérer que comme des essais malheureux dans un genre ingrat qui a été promptement abandonné.
Ses œuvres ont été publiées par son neveu Raoul Cailler, sous ce titre: "Les œuvres latines et françoises de Nicolas Rapin, Poictevin, grand-prevost de la Connestable de France; Tombeau de l'auteur avec plusieurs éloges. A Paris, chez Olivier de Varennes, rue Saint-Jacques, à la Victoire, M.DC.X.- in 4°."
Magasin pittoresque, mars 1849.
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