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samedi 7 février 2015

Ondins, ludions ou diables cartésiens.

Ondins, ludions ou diables cartésiens.


"Voyez, , messieurs, quelle merveille! Voyez comment, par l'effet de ma volonté, je fais monter et descendre ces petits personnages plongés dans mes bocaux. Descendez, ludions placés à ma gauche!... Remontez maintenant! Allons, plus vite!A bientôt le tour de l'autre bocal."


Ainsi s'exprime le physicien qui montre en plein vent ces prodiges à des spectateurs ébahis. Dans cette foule d'individus si différents d'âge et de condition, s'en trouvera-t-il qui connaissent le secret de la chose? J'en vois bien un, vers ma droite, que sa mise plus recherchée, que son air légèrement narquois, peuvent faire prendre pour un demi-savant. Il a deviné peut-être! A moins qu'il ne croie qu'il s'agit d'un effet de l'électricité!
Mettons notre lecteur à même de ne pas commettre une semblable erreur.
On désigne sous le nom d'ondins, de ludions, de diables cartésiens, de petites figures en verre ou en émail qui, plongées dans un vase remplit d'eau, y montent et y descendent à volonté.
Nous trouvons dans le Journal des voyages de M. de Monconys, publié pour la première fois à Lyon, en 1665, le passage suivant à la date de février 1647:
"Je reçus lettres de M. de la Senegerie qui contenaient ces curiosités fort rares alors, et qui ont été après plus communes.
"Figure de l'instrument d'hydrotechnie où, par la compression de l'eau, l'on donne divers mouvements à des fioles ou images de verre renfermées dans un vaisseau plein d'eau."
Suit la description abrégée de l'instrument, description en regard de laquelle sont placées les figures que nous reproduisons à moitié de la grandeur de l'original, sous les numéros 1, 2 et 3.




Dans les trois figures, AB est un vase en verre soit scellé hermétiquement, comme dans les figures 1 et 2, soit muni d'un couvercle qu'on lute avec de la cire ou de la gomme adragante, comme dans la figure 3. 


G et H sont de petites fioles de verres ou d'émail enfermées dans le vase, vides d'ailleurs, et de différentes densités. CD est un tube de verre qui traverse le fond du vase, et qui sert à y introduire de l'eau. DEF est une bourse de cuir ou de vessie, liée en D au col du tuyau CD. On remplit d'eau par l'ouverture F, à l'aide d'un entonnoir, la bourse EF et le vase AB tout entier; ensuite on opère une ligature en F. Le vase AB est posé sur une boite creuse en bois KMNL, que traverse le tube CD et dans l'intérieur de laquelle est cachée la bourse DEF. Cette bourse repose sur la planche POR, dont il n'y a que le manche P qui sorte un peu au dehors, de manière à presser plus ou moins l'eau renfermée dans la bourse.
Lorsque l'on vient à augmenter la pression, l'air renfermé dans les petites fioles G, H, se contracte, un peu d'eau pénètre dans le col effilé de ces fioles, et, leur densité augmentant, elles s'enfoncent dans l'eau; une diminution de pression, au contraire dilate l'air, rend les fioles moins denses, et les fait remonter à la surface.
Christophe Sturm, en rapportant ce passage de Monconys dans l'intéressant recueil intitulé Collegium curiosum (2e partie, Nuremberg, 1685), varie l'expérience et lui donne la forme représentée par la figure 4. 

Il supprime la bourse flexible et fait communiquer le tube DE par le coude EFK avec le corps de pompe KL dans lequel se meut le piston MN.
Le manche OP, fixé en O, n'est là que pour dissimuler le jeu du piston. En saisissant de chaque main les poignées P, N, on imprime doucement au piston N des mouvements alternatifs qui font osciller les ludions de haut en bas et de bas en haut.
Enfin on donne au vase dans lequel se passe le phénomène une forme encore plus simple, représentée dans la figure 5. 


Les diables cartésiens sont plongés dans l'eau, et le bocal qui les contient n'est bouché que par une vessie mouillée. Il suffit d'appuyer le doigt sur la vessie pour comprimer l'eau du bocal, puis l'air enfermé dans les petites boules qui servent de flotteurs aux ondins. Aussi pourra-t-on, en faisant éprouver à la vessie une pression alternative de l'extrémité des doigts, produire des mouvement oscillatoires qui simulent une espèce de danse.
La figure 6 représente un de ces diables cartésiens à une échelle assez grande pour que l'on puisse distinguer la forme de la boule qui lui sert de flotteur et le jeu de cette boule, qui reçoit tantôt plus tantôt moins d'eau, suivant que l'air est plus ou moins comprimé.


La propriété remarquable qui consiste en ce qu'une pression exercée en un des points quelconque d'une masse liquide, se transmet également dans tous les autres ponts de cette masse, est connue sous le nom de principe d'égalité de pression. Elle est le fondement de la presse hydraulique, machine d'une haute importance dans les arts. Quand à l'augmentation de densité de l'air en même temps que la pression augmente, nous en avons un exemple curieux dans la vessie natatoire des poissons. La vessie natatoire, qui n'existe pas du reste chez tous les poissons, n'est autre chose qu'une espèce de sac aérien, suspendu au-dessous de la colonne vertébrale, et qui, par ses contractions et ses dilatations, augmente ou diminue la densité des gaz qu'il renferme. Cet organe est indiqué par un trait pointillé en M, dans l'intérieur du corps du poisson (fig. 7) . 


Lorsque l'animal veut passer de la position moyenne où il se trouve à un niveau plus élevé, où la pression est moindre, sa vessie de dilate, prend le volume II, et son corps devient spécifiquement plus léger. Au contraire, pour descendre à une profondeur plus grande, il faut que la vessie se contracte suivant la forme F, ce qui rend le poisson relativement plus lourd.
Lorsque l'on a une machine pneumatique à sa disposition, on peut varier l'expérience d'une manière très-simple, représentée dans les figures 8 et 9. On place sous une cloche, soit le bocal qui renferment les diables cartésiens (fig. 8) , 


soit un vase où nagent des poissons à vessie natatoire. Lorsque l'on vient faire le vide sous la cloche, les diables remontent vers le haut du bocal, et les poissons, entraînés par leur vessie qui se gonfle, sont attirés malgré leurs efforts à la surface de l'eau (fig. 9).


Cette expansion de la vessie natatoire a lieu pour certains poissons qui ne vivent qu'à de grandes profondeurs, lorsque l'on vient à les entraîner, à l'aide de la ligne à laquelle ils ont mordu, jusqu'à la surface de l'eau. Là, ils subissent une pression relativement beaucoup trop faible, et les gaz renfermés dans la vessie peuvent la faire éclater par leur force d'expansion, qui cesse d'être contre-balancée par la pression extérieure.

Magasin pittoresque, septembre 1849.

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