Carte d'Europe sous la figure d'un Empereur.
Pour se rendre compte de la carte à figure d'empereur que nous donnons, il suffit de renverser une carte d'Europe, de manière à avoir l'occident en haut et l'orient en bas. On apercevra alors les différents pays à peu près dans la position respective que nous leur voyons, et l'on comprendra comment l'artiste a pu trouver, dans le continent et les îles principales, les éléments de sa singulière composition.
On peut présumer que cette figure d'empereur, qui comprend l'Europe entière, n'est autre que celle de Charles-Quint. La place donnée à l'Espagne, qui forme la tête et porte la couronne de l'Europe, confirme encore cette supposition.
On trouverait d'ailleurs dans l'histoire du grand empereur de quoi expliquer, sinon de quoi justifier complètement, la pensée de l'artiste.
L'autorité de Charles-Quint sembla en effet, pendant quelque temps, s'étendre sur l'Europe entière. On peut dire qu'il en fut le maître, pourvu que l'on prenne ce mot dans le sens hyperbolique, habituel aux flatteurs politiques de toutes les époques. L'Espagne et la Germanie le reconnaissaient pour légitime souverain; de plus, il se fit couronner, après le traité de Cambrais (1529) , roi de Lombardie, empereur des Romains, et eut ainsi l'Italie. Il força ensuite Soliman à la retraite, ce qui, en style de cour, pouvait s'appeler être vainqueur de la Turquie; enfin, il fit prisonnier François 1er, et envahit une partie de la France, d'où le dessinateur géographe a pu conclure qu'elle lui avait appartenu.
L'Afrique, dont on aperçoit quelque chose, est là sans doute pour rappeler la glorieuse expédition entreprise en 1535 contre Barberousse, et dans laquelle Charles-Quint, maître de Tunis, rendit à la liberté vingt mille esclaves chrétiens. Malheureusement, elle rappelle en même temps celle d'Alger, qui eut pour résultat la destruction d'une partie de l'armée et de la flotte espagnole.
L'Angleterre est rattachée au sceptre de la figure impériale en souvenir de l'alliance contractée entre Charles-Quint et Henri VIII.
Ces espèces de représentations se sont, du reste, répétées à différentes époques et de diverses manières. Les anecdotes historiques de la Russie parlent d'une statue de neige de grandeur colossale, élevée à Moscou, et dont chaque draperie portait le nom d'une des provinces de l'immense empire moscovite. La figure symbolique dura jusqu'aux premières chaleurs du printemps.
Pour avoir résisté un peu plus longtemps, celle de l'empire espagnol n'a pas eu une plus heureuse fin. De son vivant même, Charles-Quint commença à la voir fondre comme la statue de neige, et put prévoir le peu de durée de son oeuvre. " La puissance de l'empereur, dit Voltaire, n'était qu'un amas de grandeurs et de dignités entourés de précipices."
Magasin pittoresque, novembre 1849.
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