Translate

samedi 21 février 2015

Ceux dont on parle.

Santos-Dumont.


M. Santos-Dumont est un jeune Brésilien qui va sur la trentaine. Comment y va-t-il? De la façon la plus originale du monde: en ballon dirigeable.
Brésilien, M. Severo l'était aussi, l'infortuné aéronaute qui périt le 12 mai 1902 avec son mécanicien, au cours de la catastrophe survenu à son ballon Pax. Les Brésiliens étaient surtout connus jusqu'ici grâce à une chanson célèbre. " C'est ainsi que le Brésilien...etc." Et ce qu'on appréciait le plus dans cet estimable pays, c'était la culture du café. Les Brésiliens se sont révélés ingénieurs et aéronautes. Il est juste de dire que leurs essais se sont déroulés à Paris.
C'est en 1898 que M. Santos-Dumont fit au Jardin d'acclimatation ses premières tentatives; il a constamment travaillé depuis, et comme il est doué, depuis qu'il est au monde, d'un grand courage et d'une belle fortune, il ne craint pas de dépenser ses forces ni son argent.
Après de nombreuses expériences, après un accident qui heureusement n'atteignit que son ballon (8 août 1901), M. Santos-Dumont réussit, le 21 octobre 1901, à gagner le prix Deutsh. 


M. Deutsh, un autre aéronaute, désirant faciliter l'invention d'un ballon dirigeable, avait remis à l'Aéro-Club une somme de cent mille francs destinée à récompenser le premier inventeur qui, parti du parc d'aérostation de Saint-Cloud, irait doubler la Tour Eiffel et rentrerait au parc en moins d'une demi-heure. 
Ce fut le Santos-Dumont qui gagna ce prix, dont une moitié fut généreusement abandonnée par le vainqueur à ses collaborateurs, tandis qu'il remettait l'autre moitié à l'Assistance publique, qui l'employa, sur sa demande, à opérer en faveur des indigents des dégagements gratuits d'objets engagés au Mont-de-Piété.
Ce qui fait l'originalité de M. Santos-Dumont, outre ses succès déjà nombreux, c'est qu'il s'est servi le premier pour actionner son ballon d'un moteur à pétrole, c'est à dire qu'il dirige seul son aérostat, sans craindre de manquer un moment à cette tâche difficile, c'est enfin qu'il porte toujours une médaille sainte au poignet.
Le 8 août, c'était une médaille d'or, à l'effigie de Saint-Benoit, qui lui avait été offerte par la comtesse d'Eu, et il attribuait à ce bijou l'heureuse fortune qui lui avait permis après avoir été suspendu, avec sa nacelle, au toit d'une maison, de s'en tirer avec des contusions sans gravité. Il paraît qu'après en avoir reçu un pareil service, M. Santos-Dumont, est infidèle à Saint-Benoit, et qu'il porte aujourd'hui une médaille de Saint-Antoine de Padoue. Mais je ne puis croire à une telle ingratitude chez un homme qui, le jour de son triomphe, arborait à sa nacelle le drapeau français, et lui seul, voulant ainsi montrer la reconnaissance qu'il gardait à notre pays. Jamais, en effet, ni à New York, ni à Londres, il n'a pu trouver, déclare-t-il, des collaborateurs aussi ingénieux qu'à Paris.
Rien n'est plus amusant que le cabinet de travail de l'aéronaute, qui habite un superbe immeuble de l'Avenue des Champs-Elysées. Il y a des dirigeables au plafond; un moteur tourne sur la cheminée; une nacelle en osier est suspendue au milieu de la pièce: le nouveau hangar de l'aéronaute traîne sur une table. Mais le hangar est un carré de bois, où sont fichés des piquets, entre lesquels reposent des cigares également en bois, représentant les ballons; le moteur a la force d'un dixième de cheval, les dirigeables sont des joujoux. Seule la nacelle est de grandeur nature.
M. Santos-Dumont travaille actuellement à faire construire un dirigeable de 2.000 mètres cubes, destiné à promener douze voyageurs à vingt ou trente mètres au-dessus du sol, dans la plaine de Bagatelle et sur l'hippodrome de Longchamp. Ce ballon qui aura 48 mètres de long sur 8,50 mètres de diamètre, sera remisé dans le nouvel aérodrome que l'inventeur vient d'acquérir en face de l'île de Puteaux, et bientôt le ballon omnibus sera en circulation, avec cet avis placardé sur ses parois: Défense de descendre en cours de route...

                                                                                                                  Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 18 octobre 1903.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire