Translate

lundi 20 octobre 2014

Les convulsionnaires.


Les convulsionnaires.

Le cardinal Fleury, ministre de Louis XV, oublia la tolérance que deux cardinaux, deux grands ministres, Richelieu et Mazarin, avaient pratiquée. Il remit en vigueur les persécutions contre les jansénistes. Ces violences mêlées de faiblesse poussèrent les jansénistes à essayer d'un autre moyen.
Un d'eux, le diacre Pâris, de la paroisse de Saint-Médard, à Paris, personnage austère et ascétique, mourut en 1727, en odeur de sainteté, au dire de ses partisans. On publia bientôt qu'il faisait des miracles, et il y eut alors une de ces épidémies morales qu'on voit naître à de certaines époques, et qui sont plus contagieuses que les épidémies ordinaires.
"On a dans ce petit charnier de Saint-Médard de la boue par-dessus le soulier, on y est mouillé quand il pleut; ce quartier fort mauvais est fort éloigné de la ville; cependant il y a du monde depuis cinq heures du matin jusqu'à cinq heures du soir, et très-souvent des personnes de considération."
Il se passa en effet des choses étranges au cimetière de Saint-Médard: les personnes qui s'étendaient sur le tombeau du diacre éprouvaient, l'imagination y aidant, des convulsions ou secousses nerveuses, quelquefois nuisibles, quelquefois salutaires. Il y eu des scènes extravagantes et scandaleuses. Le gouvernement eut la sagesse de ne point intervenir. Le ridicule fit justice de cette folie qui dura cinq ans.


La folie, pour être moins publique, n'en continua pas moins pendant quelques années. Une caisse secrète encourageait le zèle des convulsionnaires. La fille d'un cordonnier recevait 600 livres par an, le garçon 400. Cette religion nouvelle eut ses sectes. La principale fut celle des Elisiens. Un homme de Montpellier, appelé frère Augustin, prétendait avoir vu le prophète Elie, qui lui avait annoncé que sa mission était de mourir pour les hommes comme l'agneau sans taches.
"Dans les assemblées, après avoir prêché, frère Augustin se couchait sur une table, dans la posture attribuée à l'agneau sans tache, et il se faisait adorer comme tel; on chantait des hymnes, on faisait des oraisons, et on lui rendait les honneurs dus à ce titre. On dit qu'il y a plus de cinq mille personnes engagées dans toutes ces cabales, et l'argent ne leur manque pas; cela en fait vivre un grand nombre et fait tort à bien des successions. On m'a raconté que vingt personnes, hommes et femmes, étaient rassemblées dans une maison, un soir. On avait garni le seuil de la porte de la chambre de la dépouille d'une oie; ils avaient tous une petite croix sur le front du sang de l'animal; ils ont fait rôtir l'oie sur des charbons, ils l'ont mangé avec du pain et de l'eau, ils étaient ceints d'une ceinture de cuir, et, la nuit, ils ont été en procession à l'endroit où était autrefois Port-Royal des Champs. Je connais un libraire de mes voisins qui était autrefois un homme d'esprit; il est tellement engagé de bonne foi dans ces mystères, qu'il est décharné comme un squelette; il dit à sa femme sérieusement que, s'il était arrêté, il la prie de ne faire aucune démarche pour lui, et que, si par hasard il était pendu, il la supplie de boire et de manger comme à son ordinaire sans s'affliger. Sa femme, qui est aussi de plus de moitié convertie, s'attend tranquillement à tous ces événements. En attendant, je crois que la sainte clique les fait un peu vivre." (Barbier)
Ces superstitions, en plein dix-huitième siècle, nous étonnent, mais nous n'avons plus le droit de crier bien fort contre les miracles du diacre Pâris, depuis que l'épidémies des tables tournantes nous a fait monter la rougeur au front. Combien de temps faut-il donc encore pour que la science fasse justice de ces recherches insensées du surnaturel et quand y aura-t-il assez de lumière dans les âmes et d'honnêteté dans les cœurs pour honorer Dieu comme il veut l'être, non par des folies qui l'offensent, mais par le développement en nous de toute la force intellectuelle et morale qu'il nous a donné?

                                                                                                                   Vincent.

Journal pour tous, 12 octobre 1864.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire