Cadran lumineux.
C'est un simple jouet, mais intéressant par ses proportions et curieux aussi par les circonstances où on l'a réalisé.
Il y a quelques années, Philadelphie a été le théâtre de fêtes splendides, données en l'honneur de la Elks Organisation of America, qui célébrait solennellement, dans la ville des Quakers, l'anniversaire de sa fondation.
Cette association compte aux Etats-Unis et au Canada plusieurs millions de membres. Son nom (elgr en islandais, elg en suédois) est le terme employé par les Américains pour désigner le wapiti, que leurs ancêtres, les premiers colons de la Nouvelle Angleterre, confondirent d'abord avec l'élan de Scandinavie.
Notons en passant que la prospérité de l'association a entraîné une conséquence que déplorerons tous les naturalistes; en empruntant son nom au plus majestueux de nos cervidés actuels, elle le vouait à une extermination que les lois sont impuissantes à arrêter.
En effet, les membres de l'Association croient devoir porter en breloque une dent de wapiti qui leur sert au besoin de signe de reconnaissance quand ils voyagent. Il y a vingt ou trente ans, quand d'innombrables bandes de ces grands cerfs erraient encore dans le bassin du Missouri l'usage n'avait en soi rien de blâmable. Et la breloque réglementaire ne coûtait alors que quelques cents.
Maintenant, elle vaut plus que son poids d'or; et les derniers wapiti, réfugiés dans les montagnes rocheuses, sont poursuivis implacablement par les "chasseurs de dent".
Ceux-ci forment de véritables associations qui mettent en coupe réglée les réserves où les pauvres bêtes sont insuffisamment protégées par les garde-forestiers.
Quand les lois locales leur interdirent d'abattre les elks à coup de fusil, ils tournèrent la difficulté en recourant à un procédé qui, par sa férocité même, devrait provoquer un châtiment implacable. Ils rabattent une bande de wapitis dans une vallée déserte, capturent les animaux au lasso, et, les réduisant à l'impuissance, leur arrachent les dents...
La fête dont il est ici question se déroula dans Broad-Street, la rue centrale de Philadelphie. Des statues de wapitis s'échelonnaient sur les trottoirs, jusqu'au City-Hall. Le soir après la parade (cavalcade) à laquelle participèrent 4.000 personnes, revêtues de costume historiques, ce fut, dans Broad-Street, une véritable orgie de lumière électrique. Douze mille lampes incandescentes avaient été accumulées dans un espace restreint.
L'horloge lumineuse fut l'un des clous de la nuit. Aussi haute qu'une maison de dix étages, elle était constituée par des lampes électriques disposées sur des fils invisibles. Les aiguilles du cadran, deux lignes de feu, étaient, comme on l'aura deviné, reliées électriquement à un régulateur installé non loin de là.
V. Forbin.
La Nature, premier semestre 1908.
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