Les rhytons.
Nos lecteurs savent déjà ce que c'est qu'un rhyton, sorte de vase à boire fort usité chez les Grecs et parmi d'autres nations de l'antiquité, imitation embellie de la corne employée, dès l'origine, au même usage par la plupart des peuples.
L'art s'appliqua de bonne heure à ciseler la matière primitive ou à l'incruster de métaux précieux; puis on fit en terre cuite et en métal des vases qui ne rappelaient plus que par un contour général la corne de bœuf dont ils étaient dérivés. Ils consistaient le plus souvent, comme celui de la collection de M. le duc de Luynes que nous reproduisons, en un col évasé et plus ou moins long, terminé par une tête d'animal, taureau, cheval, mulet, griffon, chien, bélier, panthère, éléphant,etc., formant ainsi des variétés que l'on distinguait par le nom de l'animal représenté. Le col était quelquefois pourvu d'une anse et couvert de figures peintes ou en relief.
Ainsi, dans le rhyton que l'on a sous les yeux, au-dessus de la tête de taureau, couverte d'un vernis noir, qui forme l'extrémité du vase et, en quelque façon, la pointe de la corne, on voit, modelé dans la terre rouge, un griffon terrassant un cheval. Quelques auteurs croient reconnaître dans le choix des figures du col un rapport constant avec celui de la tête qui termine le rhyton, et ce rapport serait fondé sur des idées mythologiques; ils pensent qu'il en devait être ainsi au moins pour les rhytons modelés et peints avec le plus de talents, et appartenant, comme celui-ci, à la belle époque de l'art.
Un grand nombre de peintures et de passages des auteurs anciens nous renseignent sur la manière dont on se servait des rhytons. Beaucoup, mais pas tous, étaient percés à leur extrémité d'une petite ouverture par où le liquide s'écoulait en un jet mince; cette manière de rafraîchir les boissons par une évaporation rapide est encore un usage dans beaucoup de contrées du Midi. Comme il était impossible, on le comprend à première vue, de faire tenir un rhyton sans le renverser sur l'ouverture du col, et par conséquent sans le vider, on le posait sur un support dont la forme correspondait en creux au contour extérieur du vase, ou bien consistant en baguettes disposées en fourche ou en trépied, comme ceux dont on se sert précisément pour le même usage dans les collections d'antiques.
Il est probable que la plupart des beaux rhytons que l'on possède encore étaient des objets de luxe employés dans les festins ou dans certaines solennités; quelques-uns étaient des pièces de pur ornement. Ils furent modelés dans l'argile à la même époque que tant d'admirables vases trouvés en Grèce, en Sicile et en Italie, qui n'ont d'autre ornement que la pureté de leurs contours et l'élégance des peintures qui couvrent leurs parois.
Le magasin pittoresque, 1865.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire