Les châtiments en Perse.
La justice est encore aujourd'hui, en Perse, à peu près ce qu'elle était il y a deux et trois cents ans. Dans les pays où règne l'arbitraire, le principe fondamental est de modifier le moins possible les traditions, de quelque nature qu'elles soient; améliorer y est synonyme de révolutionner.
Comme il n'est guère de progrès qui n'oblige à réfléchir, à travailler, ou même à courir quelque chance et à se dessaisir de quelque partie de la puissance absolue, il est infiniment plus commode au souverain d'en écarter jusqu'à la pensée. Il se trouve bien d'avoir seul en main la toute-puissance, d'être le maître incontesté, de disposer à son gré de toutes choses, de la fortune et de la vie de ceux qui lui sont soumis: la condition est bonne, il s'y tient; quoi de plus simple?
Ce système est surtout de l'application la plus facile du monde dans les pays démoralisés depuis longtemps par le despotisme, et où les citoyens, disons mieux les sujets, façonnés de père en fils à la servitude, non-seulement ne sentent plus le poids du joug, mais encore le trouve naturel et à beaucoup d'égards agréable: car n'ayant aucune liberté, ils n'ont aussi aucune responsabilité.
De même que le souverain n'a qu'à commander, ils n'ont qu'à obéir: voilà encore qui est extrêmement facile. Après tout, étant tous soumis à l'arbitraire, ils peuvent se considérer comme étant tous égaux. N'est-ce pas une satisfaction de se dire: "La colère du maître ou de ses agents peut tomber sur moi, mais sur vous tous aussi"? Ce péril, étant général, devient, comme la mort l'est pour tous les hommes, une nécessité à laquelle on s'accoutume et qu'on éloigne le plus qu'on peut de son esprit.
Donc, on juge vite en Perse: le souverain est le juge suprême; il a droit de vie ou de mort sur tous ses sujets; sauf quelque déférence qu'il doit à l'intervention du clergé, rien ne l'arrête dans l'exercice de cette magistrature vivante et, ainsi que disent certaines personnes, patriarcale.
Comme il ne saurait juger tout lui-même, il délègue en partie son autorité au scheik-oul-islam (l'ancien ou le chef de la foi), aux cazi (cadis), aux mufti, aux mollahs, etc. Ces juges se valent tous; ils interprètent librement la coutume ou le Coran. Les assassins sont quelque fois abandonnés aux parents de la victime, qui les torturent comme il leur plait. Les châtiments que prononce la justice sont très-variés: on torture, on mutile, on arrache les yeux, on décapite, on poignarde, on étrangle, on pend par les talons, on coupe en petits morceaux. Les peines les plus légères sont le fouet, la bastonnade et le careau, qui est de nos jours ce qu'il était au temps de Chardin.
C'est un triangle formés de trois morceaux de bois cloués l'un à l'autre.
"Le cou passe dedans sans pouvoir se tourner, dit Chardin. La pièce de derrière et celle du côté gauche sont de 18 pouces de longueur; celle du côté droit est longue presque du double, et l'on y attache le poignet au bout, dans un morceau de bois demi-rond et où il est pendu au croc, et parce qu'on a bientôt le bras las jusqu'à la douleur, on permet au prisonnier de se soutenir avec un bâton qu'il tient de la main gauche. Cette machine est grossière et sans art."
Le magasin pittoresque, 1865
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