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jeudi 23 octobre 2014

L'automobile inodore.

L'automobile inodore.

On reproche bien des choses à l'automobile, sa vitesse d'abord, dangereuse quand elle est excessive, le nuage de poussière que soulève ses roues, le bruit saccadé de son moteur, la fumée malodorante, enfin, qu'elle projette trop souvent dans son sillage. De ces quatre inconvénients principaux, les trois premiers peuvent être diminués dans une certaine mesure, mais rien n'empêche de supprimer radicalement le quatrième.
Tout d'abord, comme la fumée doit son odeur désagréable à ce seul fait qu'elle est composée des produits de l'oxydation complexe des corps gras employés à la lubrification des divers organes moteurs, il est certain qu'en surveillant et en réglant le graissage on empêche la production de cette fumée. Les ordonnances de police  en vigueur sont d'ailleurs conçues en partant de ce principe, puisqu'elles rendent le conducteur responsable des fumées de sa voiture. 
Mais le plus habile conducteur peut, à un moment donné,  envoyer malencontreusement trop d'huile aux graisseurs; aussi l'attention des spécialistes s'est-elle portée sur la découverte des moyens propres à préparer une huile ne dégageant au cours de sa combustion aucune odeur désagréable.
Une curieuse solution de ce problème est donnée par MM. Kornfeld et Haenflein qui ajoutent simplement à l'huile de graissage employée certaines substances ayant un point d'ébullition moins élevé et brûlant avec une odeur supportable. Il en résulte que cette odeur, se manifestant avant celle de l'huile, peut arriver à la masquer, si elle est assez intense. Il faut que le produit choisi ait un point d'ébullition assez élevé pour que son odeur persiste encore quand celle de l'huile commence à se dégager.
Partant de cette donnée théorique, voici le mélange que les auteurs proposent: à 250 parties en poids d'huile de graissage ayant un point d'ébullition égal à + 250 environ, on ajoute 20 parties en poids d'essence de mirbane (nitrobenzol, C6H5AzO2) ayant un point d'ébullition égal à 205-213, puis 10 parties en poids du produit commercial connu sous le nom d'huile de terpine ( C10H18O) dont le point d'ébullition est 216-218 et enfin 5 parties en poids d'aldéhyde salicylique ( C6H4, OH, CHO) ayant un point d'ébullition égal à + 196. Toutes ces substances forment, par leur mélange dans les proportions indiquées, un composé dont le point d'ébullition est inférieur à celui de l'huile de graissage, mais n'en est cependant pas assez éloigné pour que son action se manifeste trop tôt.
Bien entendu, il est possible d'employer beaucoup d'autres substances odorantes et il est même théoriquement possible de prévoir la fabrication d'huiles donnant en brûlant des odeurs suaves. Reste à savoir cependant quel sera le prix de revient de ces mélanges; reste à les choisir aussi de façon que leur combustion ne produise aucune dégradation sur les pièces métalliques avec lesquelles elles seront mises en contact. Ce sont là d'ailleurs de pures questions de pratique aisément solubles, maintenant que la solution générale du problème est donnée.

                                                                                                        Francis Marre.

La Nature, premier semestre 1908.

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