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lundi 20 octobre 2014

Louis XIV jouant au billard.

Louis XIV jouant au billard.


Antoine Trouvain a gravé, de 1694 à 1698, une suite de six estampes représentant les appartements de Louis XIV et les divers plaisirs auxquels on s'y livrait les jours de réception. "Le roi, dit le Mercure galant de décembre 1682, permet l'entrée de son grand appartement de Versailles, le lundi, le mercredi et le jeudi de chaque semaine, pour y jouer à toutes sortes de jeu, depuis six heures du soir jusqu'à dix, et ces jours-là sont nommés jours d'appartement."
Ces réunions avaient lieu non-seulement à Versailles, mais encore à Trianon, à Marly, à Fontainebleau et à Chambord, lorsque le roi séjournait dans ces résidences: aussi le graveur a-t-il moins cherché à reproduire l'intérieur et la décoration de telle ou telle salle de ces palais, qu'à mettre en action les grands personnages de la cour de Louis XIV et leurs occupations favorites.
Dans l'estampe de Trouvain qui ouvre la série, et qui a pour titre: Premier appartement, les petits fils du roi sont debout devant une grande table, sur laquelle on jetait une boule d'ivoire qui devait passer sous de petites arcades, disposées en forme de portique, avant de s'arrêter dans un des trous dont la couleur ou le chiffre déterminait la perte ou le gain; c'est ce qu'on nommait le jeu du portique. La seconde chambre des appartements nous montre le grand Dauphin, le duc et la duchesse de Bourbon, la princesse douairière de Conti et le grand prieur de Vendôme faisant une partie de quintille, jeu de cartes appelé aussi l'hombre à cinq. Dans le troisième appartement, Louis XIV joue au billard avec son frère, le jeune duc de Chartres, le comte de Toulouse, le duc de vendôme, le comte d'Armagnac, grand écuyer, et le futur ministre Chamillart qui est vu de dos. La quatrième chambre des appartements est la salle du bal, où le duc de Chartres et sa sœur dansent gravement devant la duchesse d'Orléans, assise dans un grand fauteuil et entourée du duc de Bourgogne, de la duchesse de Chartres, de la duchesse du Maine et de la princesse de Conti. Dans la cinquième chambre des appartements, des chanteurs et des musiciens, placés dans une tribune, exécutent une symphonie; enfin la sixième chambre des  appartements est celle des liqueurs ou de la collation, où, rapporte le Mercure galant, des garçons vêtus de justaucorps bleus avec des galons or et argent, servent des boissons chaudes, comme café et chocolat, des liqueurs, sorbets et eaux de plusieurs sortes de fruits, ainsi que "de très-excellent vin à ceux qui en souhaite."
Louis XIV, chasseur et marcheur infatigable, préférait le billard aux jeux de cartes, et l'estampe de Trouvain ne fait que confirmer ce que nous apprennent à ce sujet les Mémoires de Dangeau et de Saint-Simon. 


La fortune de Chamillart, qui de conseiller au Parlement devint contrôleur général des finances, puis ministre de la guerre, fut, dit Saint-Simon, "d'exceller au billard. Le roi, qui s'amusoit fort de ce jeu, dont le goût lui dura fort longtemps, y faisoit presque tous les soirs d'hiver des parties avec M. de Vendôme et M. le Grand (titre du grand écuyer) , et tantôt le maréchal de Villeroy, tantôt le duc de Gramont. Ils surent que Chamillart y jouoit fort bien, ils voulurent en essayer à Paris. Ils en furent si contents qu'ils en parlèrent au roi, et le vantèrent tant qu'il dit à M. le Grand de l'amener, la première fois qu'il iroit à Paris. Il vint donc et le roi trouva qu'on ne lui avait rien dit de trop...; il fut admis une fois pour toutes dans la partie du roi, où il étoit le plus fort de tous. Il s'y comporta si modestement et si bien qu'il plut au roi et aux courtisans, dont il se trouva protégé à l'envi."
Le jeu de billard existait dès le seizième siècle, ainsi que le prouve une lettre de Claude de France, duchesse de Lorraine, qui écrivait, en 1571, à P. Holtmann: "Je vous prie de nous envoyer ung jeu de billard et ung aultre jeu que l'on nomme le trou-madame."
La table en était alors de très-petite dimension, et même encore un siècle plus tard, lorsque la Fontaine "envoyait un petit billard" à Mme de la Fayette:

Ce billard est petit; ne l'en prisez pas moins. Etc.

On appelait passe cette petite arcade en fer qui est représentée dans la gravure de Trouvain, et sous laquelle il fallait faire passer la bille. On nommait billards les bâtons recourbés avec lesquels on poussait les billes; le gros bout, en forme de crosse, était ordinairement garni d'ivoire ou d'os. Toute l'adresse du jeu consistait alors à pousser la bille de son adversaire dans un des six trous, ou belouses, placés aux angles et au milieu de la table. Au dix-huitième siècle, la table de billard s'agrandit de plus en plus, on fit des billes plus grosses, et les règles de ce jeu changèrent complètement dès qu'on commença à frapper les billes avec le petit bout de la queue au lieu de les pousser avec une crosse.

Le magasin pittoresque, 1865.

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