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jeudi 23 octobre 2014

Le château de Bénac.

Le château de Bénac.

On lisait autrefois sur la cheminée de ce château les vers suivants:

Ayant resté sept ans captif en Terre-Sainte,
Le démon à Bénac en trois jours m'a porté;
Mais, déclarant mon nom, on me taxe de feinte
Pour courir à l'hymen: quelle déloyauté!
Je fais voir mon anneau, mon lévrier j'appelle,
Et c'est le seul témoin que je trouve fidèle.
Démon, ce plat de noix payera ton transport,
             Et je vais, dans la solitude,
             Me guérir, songeant à la mort,
De ce que ton emploi me fait d'inquiétude.

Voici comment une tradition populaire explique cette singulière inscription.
Sous le règne de Philippe-le-Bel, Bos, seigneur de Bénac, dans les Hautes-Pyrénées, se croisa et partit pour la Terre-Sainte. Pris par les Sarrasins, il resta sept ans en leur pouvoir. Soit impossibilité, soit insouciance, il passa tout ce temps sans donner de ses nouvelles à sa femme. Celle-ci, fort jeune encore, croyant que son mari n'existait plus, accepta la main d'un chevalier du voisinage. Le mariage allait se conclure, quand un soir, et par un temps effroyable, Bos se présenta tout-à-coup. Le diable en personne lui avait appris le mariage de la dame de Bénac. Bos désespéré avait offert à Satan la moitié de son souper, lors de son arrivée au château, s'il voulait l'y transporter sur-le-champ. Le diable avait accepté. plaçant Bos sur son dos, en trois jours il l'avait rendu à Bénac. Mais la captivité, l'ardeur du climat où il avait si long-temps langui, avaient tellement changé le châtelain, son compagnon avait si mauvaise mine, que la dame ne put ou ne voulut pas reconnaître son époux.
En vain Bos lui présenta une moitié d'anneau dont elle avait l'autre; en vain un vieux lévrier reconnut, comme le fidèle Argus, ce nouvel Ulysse, et l'accabla de caresses, tout fut inutile. Bos, impatienté d'une telle réception, et honteux de son pacte avec le diable, se tourna vers celui-ci, et lui jetant un plat de noix qui se trouvait sur la table, il lui dit que c'était là le seul paiement qu'il dût attendre du service qu'il lui avait rendu. Le démon furieux s'enfuit par la cheminée à laquelle il fit un trou énorme, et qu'on n'a jamais pu boucher, dit-on, quoiqu'on y ait employé les plus habiles maçons et les ciments de toute espèce.
Un habitant de Tarbes possède l'armet de ce guerrier, et la préfecture des Hautes-Pyrénées sa cuirasse. Ces deux objets ont été retirés, à la première révolution, de l'ancienne église des Cordeliers de Tarbes, à laquelle Bos avait fait don de ses armes.

Magasin pittoresque, février 1838.

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