Le tailleur Schoen.
M. de Humboldt cite un exemple très-remarquable du degré de pénétration que la vue peut atteindre chez certains individus.
A Breslaw, on s'est assuré, par des épreuves sérieuses, qu'un nommé Schoen, maître tailleur, distinguait à l’œil nu les satellites de Jupiter, lorsque la nuit était sereine et sans lune. Il en indiquait exactement les positions; il pouvait même le faire pour plusieurs satellites à la fois.
Quand on lui expliqua comment les faux rayons des astres empêchaient les autres personnes de voir aussi bien que lui, il exprima son étonnement sur ces faux rayons qui n'étaient nullement pour lui un obstacle. D'après les vifs débats qui s'élevèrent, entre lui et les personnes présentes à ces expériences, sur la difficulté de voir les satellites à l’œil nu, il fallut bien conclure que, pour Schoen, les étoiles et les planètes étaient dépourvues de rayons parasites, et paraissaient comme de simples points brillants.
C'était le troisième satellite que Schoen distinguait le mieux; il voyait aussi très-bien le premier vers ses plus grandes digressions; mais il ne vit jamais le second ni le quatrième isolément.
Lorsque l'état du ciel n'était pas tout à fait favorable, les satellites lui apparaissaient comme de faibles lignes lumineuses. Jamais, dans ses expériences, il ne lui arriva de confondre les satellites avec de petites étoiles, sans doute à cause de la scintillation de celles-ci et de leur lumière moins calme.
Schoen mourut en 1837. Quelques années avant sa mort, il se plaignait à M. de Boguslawski, directeur de l'observatoire de Breslaw, de l'affaiblissement de sa vue: ses yeux ne pouvaient plus distinguer les lunes de Jupiter; même, quand l'air était pur, elles ne lui apparaissaient plus que comme de faibles traits de lumière.
Les résultats des expériences faites sur la vue de Schoen s'accordent très-bien avec ce que l'on sait depuis longtemps sur l'éclat relatif des satellites de Jupiter. Le deuxième satellite est le plus petit de tous, et le quatrième s'assombrit périodiquement: ce sont eux qui échappaient au regard de Schoen. Le troisième est le plus grand, et sa lumière, de même que celle du quatrième, est d'un jaune très vif.
Cet exemple rend croyable l'assertion des voyageurs qui assurent avoir rencontré des nègres doués d'une pénétration de vue égale, et s'étonnant que l'on aperçut point comme eux les satellites de Jupiter.
On peut citer comme autre exemple remarquable, le maître de Kepler, Moestlin, qui voyait à l’œil nu quatorze étoiles dans les Pléiades; quelques anciens en avaient vu neuf.
Le magasin pittoresque, janvier 1853.
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