De quelques dépenses de la maison du roi en 1780.
Charges de cour.
Les détails suivants sont extraits de rapports faits au bureau général des dépenses du roi, en mars 1780, par M. Mesnard de Chousy (1), et de divers autres documents (2).
Il y avait 295 officiers de bouche, sans compter les garçons pour la table du roi et de ses gens.
Le premier maître d'hôtel recevait 84.000 livres par an (3) en billets et en nourriture, outre ses appointements et les "grandes livrées" qu'il recevait en argent.
Les premières femmes de chambre de la reine, inscrites sur l'almanach pour 150 livres et payées 12.000 francs, se faisaient en réalité 50.000 francs par la revente des bougies allumées dans la journée.
La place du secrétaire des commandements, marquée 900 livres, lui en rapportait, d'après ses propres déclarations, 200.000.
Le capitaine des chasse à Fontainebleau vendait, à son profit, chaque année, pour 20.000 francs de lapins.
Dans chaque voyage aux maisons de campagne du roi, les dames d'atours, sur leurs frais de déplacement, gagnaient 80 pour 100.
Une gouvernante des enfants de France (4) s'était fait 115.000 livres de rente dans sa place, parce que, à chaque enfant, ses appointements augmentaient de 35.000 livres.
La surintendante, inscrite pour 6.000, en touchait 150.000.
Sur un seul feu d'artifice, le duc de Gèvres gagna 50.000 écus par les débris et les charpentes qui lui appartenait en vertu de sa charge.
Une dame (5), qui avait le titre de garde du lit de la reine, touchait 12.000 francs sur la cassette du roi.
Le fils aîné de M. de Machault, nommé intendant des classes, recevait 18.000 livres par an: il n'avait d'autre travail que de signer son nom deux fois par an.
La place de secrétaire général des dragons, qui fut donné successivement à deux poëtes assez médiocres, Gentil Bernard et Laujon, valait 20.000 livres par an.
Il y aurait une longue liste à faire de tous les appointements donnés à un grand nombre de personnes dont les fonctions n'étaient guère que des sinécures: grandsofficiers du palais, chambellans, écuyers, pages, dames d'honneur, dames d'atours, dames pour accompagner la reine chez les princes et les princesses, etc.
Quant aux sommes données gracieusement, par pure libéralité, aux princes, nobles, etc., elles s'élevaient à un chiffre extraordinaire. Quelques uns de ces dons sont motivés de la manière la plus étrange: 6.000 livres et 10.000 livres de pension à la nièce et à la fille de M. de Rouillé, en compensation de ce qu'il n'a pas participé au traité de Vienne; une pension de 10.000 livres à la marquise de Sade, parce qu'elle a déplu à Madame Infante, et qu'elle se retire.
Ces abus étaient de tradition: ils n'étaient guère plus imputables à un règne qu'à un autre; par malheur, le trésor de l'état étaient épuisé, les impôts étaient écrasants, les famines fréquentes; la misère publique soulevait un mécontentement universel. Les ministres, qui se succédaient sans pouvoir faire les réformes nécessaires, demandaient en vain des économies, qui, d'ailleurs, au degré de désordre et de pénurie où étaient arrivées les finances, n'auraient apporté que peu de remède au mal. De là, comme on sait, la nécessité de convoquer une assemblée des notables qui fut impuissante, et ensuite les Etats généraux, dont Louis XVI avait voulu se passer, afin de ne rencontrer aucun obstacle à son pouvoir, quoique de sages avertissements des trois ordres réunis eussent peut être prévenu la triste fin de son règne et la suite des événements qui ont amené la chute de l'ancienne dynastie.
(1) Archives nationales, 01 738.
(2) Mémoires d'Augeard, de d'Argenson, de Mme Campan, etc. Consultez aussi Warroquier, Etat de la France en 1789, l'essai sur les capitaineries royales et autres, etc; Taine.
(3) Cette somme et toutes celles qui suivent doivent être doublées si l'on veut avoir l'équivalent en valeur de l'argent d'aujourd'hui.
(4) Mme de Tallard.
(5) Mme de Laborde.
Le magasin pittoresque, mai 1876.
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