Relations primitives de la France avec l'Algérie.
Nous empruntons au savant ouvrage de M. Henri Fournel sur la richesse minérale de l'Algérie les données suivantes sur le commerce des Marseillais, dans le cours du moyen âge, avec les pays qui, sous le nom général d'Algérie, nous sont devenus aujourd'hui si familiers.
L'histoire ne possède pas les documents nécessaires pour déterminer avec précision l'origine de ce commerce, mais il est toutefois certain que, dès le commencement du treizième siècle, les navires de Marseille jouaient un rôle important sur les côtes barbaresques. Le savant historien de Marseille, Ruffi, racontant les événements relatifs à l'année 1220, s'exprime ainsi:
"Les Marseillois avoient en ce tems là, dans la ville de Bugie en Afrique, un quartier de la ville où les marchands qui y négotioient faisoient leur demeure. Un semblable lieu est aujourd'hui appelé un camp (il aurait dû écrire khan), qu'on appeloit en ce tems là un fundigue; les Marseillois firent alors tout leur possible pour faire subsister ce camp, à cause du besoin qu'ils en avoient."
Le même historien cite un fait qui paraît se rapporter à l'année 1223, et qui prouve que le fondouk de Bougie produisait annuellement un revenu d'une certaine importance. Il s'agit d'un nommé Bertrand Bonafossus (Bonafous), Marseillais fort estimé de ses compatriotes, qui, réduit en esclavage à Bougie, n'avait pas assez de fortune pour payer sa rançon. Le conseil de Marseille, par une délibération spéciale, lui abandonna le camp de Bougie pendant quatre années "et tous les droits que la ville avait coutume d'en tirer."
L'historien ajoute que le roi de Bougie, qu'il nomme Boabdali-Benxamor, mit, pour complaire aux gens de Marseille, toute la bienveillance possible dans cette négociation, et facilita, autant qu'il lui appartenait, le rachat que la ville avait à cœur. Ce prétendu roi de Bougie devait être tout simplement, comme le fait remarquer M. Fournel, le gouverneur Abou-Abd-Allah (Boabdali) Ben-Khamour (Benxamor), que l'on sait avoir été préposé par les Almohades à l'administration de la province de Tunis au commencement du treizième siècle.
Marseille, constituée à cette époque en république, se trouvait alors dans le commerce avec les Barbaresques à peu près sur le même pied que les trois républiques italiennes, Pise, Gênes et Venise. Bien que les navires marseillais fréquentassent tous les ports de l'Afrique septentrionale, Bougie formait leur station principale. C'est là que venait aboutir, en passant par la place importante de Constantine, tout le trafic de l'intérieur. Une lettre de 1293, conservée dans les archives de l'Hôtel de ville de Marseille et adressée au conseil de la ville de Marseille par les négociants établis à Bougie, rend compte des difficultés qu'éprouve le commerce dans ces contrées, et invoque la convention (la paz) qui existe entre la ville de Marseille et le roi de Bougie. La France, reprenant les traditions de l'antique Massilia, avait senti de bonne heure tout l'avantage qu'elle avait à se lier avec cette autre France située vis-à-vis d'elle, à une si faible distance, et riche de tant de produits qui n'attendaient pour se porter vers elle que la paix et le commerce. L'intérêt des monuments que nous venons de citer consiste en ce qu'ils sont les premiers traits dont il soit fait mention dans l'histoire d'une alliance directe entre ces deux contrées unies aujourd'hui d'une manière indissoluble.
Le magasin pittoresque, 1865.
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