Le lour,
Trompette scandinave.
Trompette scandinave.
Cette trompette de forme si élégante a figuré à l'Exposition universelle de 1867, au milieu de la section danoise. Les archéologues danois lui ont donné le nom de Lour ( Lur ou Luer) ; les antiques sagas désignaient ainsi le cor dont faisaient usage les héros dont les noms, grâce à la poésie, sont venus jusqu'à nous.
Un savant spécial, l'habile éditeur de la Bibliographie musicale, a soumis ce bel instrument à une étude attentive, et il en a donné une description que nous sommes heureux de reproduire ici (1) :
"Il se compose de deux pièces d'inégale longueur. L'une a la forme d'un fer à cheval, se termine par une embouchure qui fait corps avec elle, et s'emboîte dans la seconde. Celle-ci, largement recourbée, aboutit au pavillon. Elles ont à elles deux un développement de 2,06 m. Le tube croit progressivement. De 0,008 m; à l'embouchure, son diamètre est de 0, 09 M; tout autour, percé de huit trous. A ces huit trous s'adaptent autant de demi-sphères creuses, ayant, du côté qui regarde l'instrument et où elles sont maintenues par de petites fiches, 0,03 m. de diamètre, décrivant de l'autre une saillie de 0,02 m. environ. Était-ce un ornement? Étaient-elles destinées à modifier la qualité du son? Le champ est ouvert aux hypothèses.
"La portion droite du tube comprenant l'embouchure a subi une réparation assez forte. Mais le travail primitif, les filets en spirale, les anneaux gravés régulièrement qui cerclent le tube, les orbes perlés qui décorent le pavillon, dénotent une main habile et attestent un art avancé."
Disons tout de suite que de ce noble instrument, dont l'antiquité ne peut pas remonter à moins de deux cents ans avant l'ère chrétienne, on a pu tirer encore un son d'une certaine beauté; laissons parler de nouveau notre savant musicologue: "Plusieurs personnes ont essayé de souffler dans la trompette, contemporaine, sinon mieux, d'Odin et de Marius. Elles n'avaient guère réussi qu'à lui faire pousser une clameur rauque, tels qu'en rendent, le jour du mardi-gras, les cornets à bouquin. Fort heureusement, un carabinier de la garde, portant au côté la trompette moderne, est passé par là. Invité à manier ce tube gigantesque, il s'est reculé d'abord, croyant à une mystification. L'assistance toute entière a pris soin de le rassurer. Bref, il s'est appliqué l'embouchure aux lèvres, puis il a tiré de l'airain sinueux des sons pleins, d'un éclat relativement assez doux. Le Lour, joint aux divers membres de la même famille, leur apporterait le concours d'une basse puissance, etc."
Dans l'histoire de cet instrument si curieux, il y a un fait capital que nous ne saurions dissimuler; il ne pouvait être établi que par un critique éclairé, familiarisé surtout par de nombreuses études avec les moindres détails de l'instrumentation chez les peuples anciens. selon l'écrivain qui nous sert ici de guide, l'embouchure de la trompette scandinave a été déplacée. "les deux pièces de l'instrument affectent, dit-il, à peu près la forme d'un S retournée. Mais il me semble évident que, pour lui rendre sa situation naturelle, il faut ramener l'embouchure vers le pavillon en manière de G. Si alors on le renverse, c'est à dire si on met le pavillon en dessus et qu'on dirige l'embouchure de bas en haut, l'on est immédiatement frappé de l'analogie que le lour présente avec la trompette courbe des Romains, sculptée sur la colonne Trajane, sur divers marbres antiques, et dont chacun peut voir dans Laborde la représentation."
En même temps qu'il tente de prouver l'étroite parenté du lour avec la tuba curva des Romains, le savant critique dont nous avons reproduit l'opinion tient à faire remarquer la pureté du bronze employé pour la confection de l'instrument: l'analyse chimique du métal a produit dix parties d'étain contre quatre vingt dix de cuivre.
En l'année 1867, le Musée de Copenhague possédait une dizaine d'exemplaires complets de ce curieux instrument, et l'on comptait un pareil nombre de fragments semblables dont on pouvait faire usage, nous le supposons du moins, pour compléter certains spécimens obtenus par des fouilles nouvelles. Les tourbières nombreuses du Danemark, et entre autres celles de Maltbek, en avaient fourni plusieurs. On en avait rencontré également, en 1866, un certain nombre à l'ouest de Horsens, diocèse d'Aarhuus.
(1) Voy. le journal de l'Union de l'Ouest, 24 octobre 1867. Sous le pseudonyme de E. Heffner s'est caché cette fois notre musicologue M. Pottier de Lallaine, dont on connait les nombreux travaux.
Le magasin pittoresque, février 1876.
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