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mardi 29 décembre 2015

Ceux dont on parle.

M. Dujardin-Beaumetz.
                Le Peintre.


Il y a vingt-cinq ans environ, on pouvait voir aux Salons des tableaux signés Etienne Beaumetz remarquables par l'ardeur patriotique que manifestaient les sujets et les légendes de ces ouvrages: Les voilà!, La brigade Lapasset brûlant ses drapeaux!, Les libérateurs!, La dernière faction!, Salut à la victoire!, A la baïonnette!, Ils ne l'auront pas! tels étaient les titres sensationnels de quelques-unes des œuvres du plus chauvin des artistes peintres, qui obtint en 1880 une médaille de troisième classe et en 1889 une mention honorable.




Les maîtres de M. Beaumetz avaient été Cabanel et Louis Roux. Il compléta ses études par la fréquentation assidue du Musée du Louvre et l'on dit que de vieux gardiens du Musée se rappellent l'avoir vu copier avec un soin touchant des tableaux de David. Les personnes qui auraient de ces copies pourraient en trouver actuellement un très bon prix, mais il n'y a pas de temps à perdre: les toiles de M. Beaumetz perdraient la plus grande partie de leur valeur s'il venait à refaire de la peinture.

Le député.

M. Dujardin-Beaumetz, député, est né à Paris, mais il s'est marié dans le département de l'Aude, qui est devenu sa seconde patrie. Conseiller général depuis 1877, il se présenta à la députation à Limoux en 1889. Il a toujours été réélu.
La peinture était pour M. Beaumetz un moyen d'affirmer son attachement à la France et aux petits soldats. Quand il fut député, il s'occupa des questions financières et industrielles, il présida la commission d'agriculture et prit en main les intérêts des vignerons, ses électeurs, mais il négligea presque complètement la peinture et les militaires.

Le Sous-Secrétaire d'Etat.

Aujourd'hui, M. Dujardin-Beaumetz ne fait plus de tableaux: il en achète. Il ne fait plus de politique si ce n'est dans son département, puisque l'administration des Beaux-Arts dont il a la direction, l'occupe tout entier. Inaugurer, avec des discours appropriés, les statues des hommes les plus divers, chirurgiens ou poètes, couvrir de toiles achetées aux Salons les murs des musées de province et de décorations leurs auteurs, assurer la discipline dans les troupes, tout au moins dans celles des théâtres subventionnés, voilà quelque-unes des multiples fonctions du Sous-Secrétaire d'Etat des Beaux-Arts.
Il s'en acquitte avec une indulgente bonhomie, et répartit ses faveurs sans parti-pris. Les médiocres surtout attirent sa sollicitude; aux artistes dont les œuvres n'ont pas été jugées dignes d'être acquises, il donne trente mille francs par an pour les encourager à continuer. Cette initiative charitable émane, assure-t-on, de M. Beaumetz peintre.
Parmi les principales réformes accomplies par M. Dujardin-Beaumetz dans le domaine des arts, on doit citer la suppression de la censure et la création de l'école du nu en plein air: ces deux tentatives hardies dénoncent-elles en notre Sous-Secrétaire d'Etat un goût prononcé pour le décolleté? Non, elles prouvent qu'il ne se fait pas d'illusions sur la portée des mesures que peut prendre un ministre.
Ajoutons que le peintre, le député et le Sous-Secrétaire d'Etat ne forment qu'une seule personne, qui est un riche propriétaire de la rue Drouot, affable, ennemi de tout apparat, amateur de bonne chère et de vins généreux.

                                                                                                                       Santillane.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 1er mars 1908.

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