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mercredi 30 décembre 2015

Ceux dont on parle.

Haakon VII, roi de Norvège.

Les gens du Nord sont de braves gens. La Norvège ayant décidé en 1905 de se séparer de la Suède et d'avoir une existence absolument indépendante, le divorce se fit un beau matin dans le plus grand calme, sans la moindre apparence de révolution. Le bon sens des Suédois et de leur roi Oscar fut pour beaucoup dans l'heureuse issue de ces graves événements.
Au nouvel Etat il fallait un souverain: tous pouvoirs furent donnés pour le choisir, au ministère qui fit passer dans les milieux diplomatiques une note à peu près conçue ainsi:
"On demande un bon roi pour un pays du Nord. Beaux appointements fixes et profits divers. Logement. Une heure de travail par jour. Climat sain. Pêche. Banquets. L'emploi peut devenir héréditaire. Sérieuses références exigées."
Toutes les nations alignèrent leurs candidats: Don Carlos, le duc d'Orléans, le prince Victor, tous les prétendants blackboulés étaient sur les rangs. Dans ce corps de métier, les vacances sont si rares!
Le gouvernement norvégien appela au trône le prince Charles de Danemark, petit-fils du roi de Danemark, Christian IX, qui vivait encore.
Le prince Charles-Christian-Frédéric est le second fils du roi actuel du Danemark et de la princesse Louise de Suède, nièce d'Oscar II, qui est mort récemment. Il est né le 3 août 1872.
Sa femme est la princesse Maud-Charlotte-Mary, troisième fille d'Edouard VII. Elle est née le 26 novembre 1869 et a épousé le prince Charles le 22 juillet 1896, à Londres, au palais de Buckingham.



Le roi de Norvège, comme on voit, ne manque pas de répondants. Fils du roi de Danemark, gendre du roi d'Angleterre et cousin du roi de Suède, il a des liens de parenté ou d'alliance avec presque toutes les autres familles royales d'Europe.
Il avait manifesté l'intention de régner sous le nom de Charles V, mais on lui fit observer que le nom d'Haakon VII flatterait mieux les sentiments patriotiques de son peuple: le premier acte du nouveau roi fut de se soumettre. La reine Maud ne l'a pas imité: elle trouve que le nom d'Haakon n'est pas harmonieux et pour elle son Charles s'appellera toujours Charles.
Le Parlement de Norvège a voté pour le roi des appointements de sept cent mille couronnes par an, plus cinquante mille couronnes pour l'entretien des châteaux mis à disposition du roi. C'est un peu plus d'un million qu'il en coûte chaque année à la Norvège. Mais en retour, elle entend être bien servie. La petite anecdote que nous allons raconter montre quels rapports tout particuliers unissent le roi Haakon à la nation norvégienne.
Pour les fêtes du couronnement, on donna au Théâtre National une soirée de gala où l'on représenta une pièce de  Bjornstjerne Bjornson. L'illustre écrivain appartient à l'une des familles les plus influentes de la haute aristocratie de Christiana.
Au deuxième entr'acte, le roi fit appeler l'auteur, le reçut avec beaucoup d'égards, et lui dit en norvégien:
- C'est une très belle pièce (magel cmukt stakke), mon cher Bjornson.
Le vieillard sourit et tapant familièrement sur l'épaule du souverain:
- Ce sont les Danois qui disent magel, Majesté. Ici, nous disons megel. Dans votre situation, on doit prendre garde à ces détails.
Le roi, un instant interloqué, rougit mais aussitôt, en homme avisé, il remercia le poète et l'assura qu'il tiendrait compte de cet avis.
- C'est parfait, répliqua Bjornson. Souvenez-vous de mon conseil et vous verrez que tout ira bien!

                                                                                                                         Jean-Louis.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 8 mars 1908.

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